Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/438

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préférence dans la partie de l’île Tavay-Pœnamoo, la plus voisine du Cap Sud, qui est la plus près du pôle, et par conséquent la plus froide. Le C. Riedlé, premier jardinier de l’expédition, étoit chargé spécialement d’emballer ces graines de différentes manières, pour varier les chances, et d’en mettre surtout dans les terres des caisses de plantes vivantes qu’il devoit rapporter en Europe. Au moyen de ces précautions, il est à présumer qu’on parviendra à introduire une très-grande quantité d’individus de cette plante en France ; mais cela ne suffit pas, il faut encore choisir la localité qui offre le plus de chances à la réussite, et employer les moyens de culture les plus propres à sa naturalisation.

Le climat qui paroît devoir être le plus favorable aux premières plantations du phormium, est celui des départemens méridionaux, vers les bords de la Méditerranée, dans le voisinage de Nice ou d’Hyères, parce qu’il offre un grand nombre de rapports avec celui de la Nouvelle-Zélande, tant pour la latitude que pour la nature du sol et la quantité d’eau saumâtre qui s’y rencontre. D’ailleurs, ce pays est traversé par de hautes montagnes qui, en abritant les rivages des vents du nord, les défendent des fortes gelées, et en font un climat doux en hiver, sec et chaud pendant l’été.

Quant à la culture première, elle consiste à planter les pieds de phormium dans des planches formées de diverses espèces de terres, à différentes expositions, et à leur donner des arrosemens proportionnés à leur vigueur, à leurs besoins et au degré de chaleur de la saison. Les graines, qui arriveront stratifiées ou mélangées dans de la terre, devront être semées, peu de temps après leur débarquement, sur des banquettes de terre meuble et substantielle, susceptibles d’être ombragées des rayons d’un soleil trop brûlant, et d’être arrosées par irrigation. Il sera plus sûr de ne semer les graines qui auront été transportées sèches dans des caisses, que par parties, de quinze en quinze jours, et depuis la fin de l’été jusqu’au milieu du printemps. Quelques portions pourront être semées dans des caisses à semis, afin de donner la facilité d’orienter les jeunes plants, suivant le besoin, dans les différentes saisons de l’année et pendant la jeunesse des plantes. Mais il est essentiel que tous ces semis, de quelque manière qu’ils aient été faits, ne soient recouverts que d’une couche de terre sablonneuse très-fine, et de l’épaisseur d’une ligne ou d’une ligne et demie tout au plus. Il sera très-utile aussi de les garantir des ardeurs du soleil, non seulement depuis l’instant où les graines auront été confiées à la terre, mais encore pendant la jeunesse des plantules, et jusqu’à ce qu’elles aient acquis assez de force pour supporter le plein air et se défendre de l’intempérie des saisons. Si pendant l’hiver il survenoit des gelées de quelques degrés, il seroit prudent de couvrir les jeunesse mis avec de la paille longue, de la litière, ou, mieux encore, avec des fanes de fougère. Dès que le jeune plant aura acquis sa seconde ou troisième année, et qu’il aura deux ou trois feuilles, on pourra le repiquer dans des planches, sur trois rangs et à dix-huit pouces les uns des autres ; ce qui donnera la facilité de les labourer, et de leur donner les binages nécessaires chaque année, pour ameublir la terre autour de leurs racines et en écarter les mauvaises herbes.

Lorsqu’une fois ces plantes auront poussé des drageons de leurs souches et qu’elles auront produit des graines, c’est alors qu’on pourra tenter, en pleine campagne, des expériences de naturalisation en grand, dans des terrains de différente nature, et dans le voisinage de la mer. Celles-ci venant à réussir,