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fourniront, avec le temps, les moyens de répandre cette plante précieuse, de proche en proche, sur tous les rivages de la mer, dont elle paroît devoir fixer les sables, et préserver les cultures intérieures de leur invasion ; elle offrira une nouvelle matière première à l’industrie des artisans, et procurera aux arts et au commerce une nouvelle source de richesses.

Le voyage du capitaine Baudin, sur lequel nous comptions pour accélérer ces expériences, n’a pas rempli, sous ce rapport, les espérances que nous avions conçues. Ses instructions ne l’ont point conduit à la Nouvelle-Zélande, et il a exploré les côtes de la Nouvelle-Hollande, d’où il a rapporté des richesses infinies en histoire naturelle. Tout ce qu’on a pu faire a été de recueillir neuf individus de cette plante, qui ont été pris au port Jackson, où ils avoient été apportés de l’île Norfolk. Suivant M. John-White, chirurgien en chef de la colonie anglaise du port Jackson, le phormium croît en abondance à l’île Norfolk, et peut devenir une spéculation commerciale pour une puissance maritime qui posséderoit ce pays. Sans doute les Anglais ne la laisseront pas échapper, puisqu’elle peut contribuer à maintenir la supériorité de leur marine, et fournir un nouvel aliment à leur commerce.

Quoique les neuf individus de phormium fussent tirés d’une latitude beaucoup plus élevée que celle du Cap Sud de la Nouvelle-Zélande, ils ont supporté le voyage avec facilité sur le navire le Naturaliste, commandé par le capitaine Hamelin, et sont arrivés à Paris sur la fin de l’an 11, en bon état. Depuis cette époque, l’administration du Muséum en a fait passer des pieds dans les départemens de la Seine-Inférieure, de l’Hérault, de la Drôme, du Var, et dans l’île de Corse, à l’effet de varier les chances de leur réussite. D’après les renseignemens que nous nous sommes procurés depuis peu de temps, ces plantes prospèrent à merveille dans tous les climats chauds où elles ont été envoyées ; plusieurs poussent des œilletons de leurs racines, et promettent beaucoup de succès. Enfin, nous ajouterons que M. Cels, qui possède cette plante depuis plusieurs années, en a mis un pied en pleine terre l’an dernier, dans son jardin de Montrouge, près Paris, et qu’il y a très-bien passé l’hiver, couvert d’un simple châssis et de litière ; ce qui donne l’espérance que cette plante pourra un jour prospérer dans le nord comme dans le midi de la France.

En terminant cet article, nous rappellerons aux cultivateurs que le chanvre est originaire de Perse et de l’Inde, pays beaucoup plus chauds et plus fertiles que la Nouvelle-Zélande ; qu’il est annuel, et doit être semé tous les ans, tandis que le phormium est vivace, et paroît rustique ; que la première de ces plantes exige une terre excellente et peu commune, des labours multipliés et des engrais abondans, tandis que la seconde se contente de terrains abandonnés, malheureusement trop multipliés en France, et qu’elle n’a besoin, une fois plantée, ni de culture, ni de fumiers ; que la récolte du chanvre, sa macération et l’extraction de ses fibres exigent du temps, des machines, des dépenses et de l’intelligence dans les ouvriers, tandis qu’une serpette pour couper les feuilles parvenues à leur grandeur, une auge pour les amollir, et un battoir pour en séparer les fibres, suffisent à la récolte et à la préparation du lin de la Nouvelle-Zélande…

Tant d’avantages réunis, sans faire abandonner la culture du chanvre et du lin, sont bien propres à stimuler l’ambition des propriétaires de terres voisines de la Méditerranée, et à les déter-