Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/445

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gneurs, une des conventions étoit que le seigneur du territoire donné en champart bâtiroit un colombier. Cette convention fut remplie, parce qu’il falloit assurer les récoltes des censitaires, et, dans beaucoup d’endroits, les colombiers furent élevés à grands frais. On a encore remarqué que les pays les plus abondans en blé, tels que la Beauce, étoient ceux où les colombiers étoient en plus grand nombre.

» C’est encore à tort qu’on a accusé le pigeon de ravager les plantes alimentaires employées à la nourriture de l’homme. Sans doute, quand le laboureur paresseux tarde à recouvrir sa semence, le pigeon en profite, et en enlève une partie ; mais, en cela, il rend deux services, il mange le superflu de la semence, qui nuiroit à l’abondance des produits, car par-tout on sème trop ; il force le laboureur à une diligence toujours salutaire dans la saison des semences, où les variations continuelles ne permettent jamais de remettre au lendemain ce qu’on peut faire le même jour. Le pigeon, d’ailleurs, ne touche point aux grains qui ont été chaulés.

» Le pigeon, il est vrai, exerce quelquefois ses petites rapines dans les jardins et dans les chanvres ; le peu de terre dont on recouvre les pois et les chènevis, favorise le goût qu’il a pour ces graines ; mais il suffit, en attendant que la semence soit levée, ce qui est très-prompt, de faire garder le jardin, ou le champ, par un enfant, dont la présence est d’ailleurs indispensable pour se garantir des rapines beaucoup plus fortes des corbeaux, des geais et des moineaux.

» Le pigeon ne va point non plus, comme les moineaux, se percher sur les épis pour les éplucher et en arracher le grain ; seulement, lorsque des blés sont versés par les vents ou les orages, il s’aide de ses ailes pour en abattre la paille, et ramasse le grain qui en tombe ; mais cette circonstance, dont il profite, n’est que locale et accidentelle.

» En supprimant le privilège féodal des colombiers, on décréta que chaque particulier pouvoit avoir des pigeons, mais à la charge de les tenir enfermés pendant le temps qui seroit déterminé, chaque année, par la commune du lieu, et on accorda, en outre, à tout individu la faculté de les tuer sur sa propriété.

» De ces deux conditions, la dernière secondoit activement le germe de destruction que renfermoit la première ; aucune des considérations de raison et d’utilité publique, qui devoient faire préférer toute autre mesure à celle-ci, ne fut balancée ; tant il est vrai que les orages politiques sont doublement funestes, en ce qu’ils nécessitent beaucoup de lois, et qu’ils ne permettent pas de les bien faire !

» Le pigeon a un besoin indispensable d’un exercice fréquent et fort. Destiné par la nature à se nourrir d’alimens compactes, lourds et d’une digestion difficile, elle n’a pas seulement voulu que la force de ses ailes servît à le défendre contre ses nombreux ennemis, elle a voulu encore que leur mouvement contribuât à l’action de l’estomac sur les alimens.

» La chaleur dont le pigeon est pourvu attire sur lui une multitude d’insectes pernicieux qui le rongent, lorsqu’il est privé du grand air et de l’usage des bains : aussi l’expérience a prouvé que son amour pour la propreté n’est pas seulement de sa part un penchant à la volupté, mais réellement un besoin pour la conservation de sa santé.

» Il entre encore dans ses habitudes, dans ses goûts, de varier sa nourriture, de la composer en partie de petits cailloux, dont les uns se fondent dans leur estomac, parce que ce sont des combinaisons salines qui aident à la digestion, et les autres qu’il rend comme il les