Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/446

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prend, semblent devoir faire, par leur pression sur les matières moins dures, l’effet que produiroient les dents, et remplacer la mastication.

» Il est vrai que le propriétaire d’un colombier peut, à force de soins, suppléer, en quelque sorte, pendant la réclusion des pigeons, aux moyens que la nature leur a donnés d’entretenir leur santé ; mais, malgré les soins les plus assidus, la nombreuse communauté, resserrée dans l’étroit espace d’un colombier, où l’air ne s’introduit que par de petites ouvertures, très-rares en proportion de son étendue, y entretient une chaleur surabondante ; les émanations et les évacuations animales s’y multiplient chaque jour davantage, l’air s’y corrompt promptement, et ne fait de la fuye qu’un cloaque impur, dont le méphitisme porte bientôt l’inflammation dans les intestins de ses malheureux habitans ; ils sont encore rongés par la vermine ; leur caractère, naturellement doux, s’aigrit, ils se déplaisent, et ne cessent de se chamailler et de se battre.

» Quand le temps prescrit pour la clôture est passé, ceux qui ont survécu sont si foibles qu’une grande partie devient la victime des oiseaux de proie ; le reste fatigué des dégoûts de la prison, la quitte, déserte la colonie et va se reléguer dans le haut des clochers, dans les charpentes et les murs élevés et crevassés des vieux bâtimens, où il est exposé à la rapacité de ses ennemis. »

Voici les observations de M. Vitry.

« Je vais démontrer par un calcul très-simple et bien clair, la perte que nous avons faite par la destruction ou la dépopulation des colombiers, et combien notre intérêt, celui de multiplier les subsistances, milite encore puissamment en faveur des pigeons de colombier, dont il n’existe plus un seul individu dans quelques départemens.

» Au moment de l’arrêt porté contre les pigeons fuyards, il y avoit quarante-deux mille communes en France ; il y avoit donc quarante-deux mille colombiers. Je sais que dans les villes il n’en existoit pas, et qu’on en voyoit peu dans les communes rurales des environs de Paris ; mais je sais aussi qu’on en trouvoit deux, trois et quelquefois plus dans un très-grand nombre de villages, et je pense être bien loin de toute exagération en comptant un colombier par commune.

» Il y avoit des colombiers où l’on comptoit trois cents paires de pigeons ; mais pour aller au devant de toute objection, je ne compterai que cent paires par colombier, et seulement deux pontes par an, laissant la troisième pour repeupler et remplacer les vides occasionnés par les événemens.

Or, cent paires par colombier donneront un total de quatre millions deux cent mille paires, et, chaque paire donnant seulement quatre pigeons par an, il en résulte seize millions huit cent mille pigeonneaux.

» Chaque pigeonneau, pris au nid à dix-huit ou vingt jours, plume et vidé, pèse quatre onces. Les quarante-deux mille colombiers fournissoient donc soixante millions huit cent mille onces d’une nourriture saine, et, en général, à un prix assez bas. On a vu le jeune pigeon ne se vendre couramment que quatre sous dans plusieurs départemens.

» Enfin, en divisant soixante-quatre millions huit cent mille onces par seize, pour connoître le nombre de livres de viande dont l’arrêt contre les pigeons nous a privés, on trouvera qu’à l’époque de leur proscription, les colombiers entroient pour quatre millions deux cent mille livres d’une chair salubre, sans aucun avantage pour l’agriculture, et même encore au détriment des agriculteurs.

» Il résulte un autre dommage de la