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besoins de l’homme, ou d’un animal en particulier, sont inutiles ou même nuisibles aux autres espèces. La nature semble avoir mélangé sur la même superficie de terrain ces différens végétaux, afin que les différentes espèces d’êtres vivans pussent trouver leur existence dans un même lieu, sans qu’il fût permis au plus fort ou au plus adroit de s’emparer exclusivement d’un aliment destiné à chacun en particulier.

Les animaux sauvages, qui ont la propriété de se transporter d’un lieu dans un autre, choisissent non seulement le climat qui leur convient, mais encore les pâturages et les plantes qui sont les plus conformes à leurs goûts. Lorsqu’ils ont consommé dans un lieu les plantes dont ils se nourrissent, ils passent immédiatement dans un autre, pour chercher de nouveaux alimens ; et ils trouvent aussi dans leurs propres facultés le moyen de pourvoir à leur subsistance.

La nature, qui avoit principalement en vue la propagation des espèces, a obtenu son but en établissant un ordre de choses qui repose sur des lois immuables. Mais l’homme, doué d’une intelligence supérieure, a dû chercher dans les ressources de son esprit les moyens de se mettre à l’abri des maux qu’entraîne l’intempérie des saisons ou un accroissement de population qui semble dépasser le premier but de la nature. Entraîné par la nécessité d’une défense naturelle, ainsi que par l’appât des jouissances, il a dû se former en société. De là provient la culture des terres, qui seule peut fournir aux besoins d’une population qui tend sans cesse à s’accroître. Dans cet état, il a associé les animaux à ses travaux ; il en a augmenté le nombre. C’est alors que des pâturages, tels que les offre la nature, sont devenus insuffisans, et qu’il a fallu améliorer ceux qui existoient spontanément, ou en créer de nouveaux et de plus productifs, afin de pourvoir à des besoins qui alloient toujours croissant.

L’homme fit alors le choix des lieux humides, favorables aux graminées, et aux autres plantes les plus propres à la nourriture des bestiaux, et il les destina uniquement à l’entretien de ses troupeaux. C’est ici l’époque où remonte l’origine des prairies naturelles. Une observation plus réfléchie, aidée d’une longue pratique, porta les agriculteurs à tenter la culture des plantes indigènes ; seconde époque qui donna naissance aux prairies artificielles. Ces différentes améliorations dans l’économie rurale ne furent pas moins le résultat du hasard que celui de la réflexion. Que de temps, que de siècles n’a-t-il pas fallu, en effet, pour parvenir à ce degré de connoissances ! degré qui est celui auquel nous nous trouvons aujourd’hui.

Les hommes auroient, sans doute, marché plus rapidement, et notre agriculture seroit plus productive, si l’art ou la science agricole eût été enseignée et cultivée, ainsi que l’ont été, dans tous les siècles, des arts inventés pour exterminer ou corrompre les hommes, des sciences futiles, vaines ou mensongères. Ce qui ne peut être fait à des époques où régnoient la servitude, l’ignorance et la superstition, attend un siècle où doit dominer une philosophie saine et éclairée.

Les progrès qu’ont faites, dans ces derniers temps, les sciences exactes, et leurs applications heureuses à l’agriculture, nous donnent lieu d’espérer que bientôt le plus utile des arts sortira de la routine et du chaos où il a été plongé jusqu’à ce moment. C’est sur-tout la botanique qui lui prêtera de puissans secours ; c’est elle qui nous fournit les matériaux du travail que nous présentons au public.

Parmi les plantes nombreuses qui décorent nos campagnes, il s’en trouve, ainsi que nous l’avons observé, qui sont