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dos de la lame d’un couteau. Cette espèce de frottement, ainsi que les immersions dans l’eau, se renouvellent jusqu’à ce que le cylindre de la plume soit transparent, et que la membrane, ainsi que l’espèce d’enduit gras qui la recouvrent, soient entièrement enlevés ; on la plonge une dernière fois pour la rendre parfaitement cylindrique, ce qui s’exécute avec l’index et le pouce ; on la fait ensuite sécher à une douce température.

Dans le second procédé, il s’agit d’enlever la matière graisseuse qui recouvre la plume et d’en augmenter la force ; on commence par la dépouiller de ses barbes, puis on la plonge dans de la cendre chaude, qui ne contienne aucun charbon ardent, ou bien on l’expose pendant quelques instans au dessus d’un brasier, jusqu’à ce qu’elle ait un peu changé de couleur, ou qu’elle soit devenue molle, ayant bien soin de ne la pas trop échauffer, ce qui lui feroit perdre toute son élasticité, et la rendroit pour ainsi dire friable. Lorsqu’elle est convenablement échauffée, on l’applique sur son genou, on passe une ou deux fois dessus une lame de couteau, en appuyant du côté du tranchant, et de suite on la frotte vivement avec un morceau de laine, pour enlever les portions membraneuses ou filamenteuses qui la recouvrent. On doit rejeter les plumes de coq et d’autruche, parce qu’elles sont trop épaisses et dépourvues de la flexibilité nécessaire. On peut employer les plumes de cygne pour écrire en gros caractères, et celles de corbeau pour faire des notes très-fines sur des livres. Celles de coq d’Inde ne sont presque jamais employées.

Plumes et duvets pour les coussins. On peut garnir les oreillers, les traversins, les matelas des lits, et les coussins des meubles, avec les petites plumes qui recouvrent les gallinacées et les pigeons. Il est même des cantons où elles sont déjà employées à cet usage ; mais le plus généralement on choisit de préférence le duvet des palmipèdes. On emploiroit encore aussi volontiers celui des oiseaux de proie, s’ils étoient assez nombreux pour promettre une récolte de leur fourrure épaisse et douillette.

Il y a deux espèces de duvet ; l’un, qu’on laisse perdre, consiste en barbes légères, molles, effilées, sans liaison, hérissées, qui revêt beaucoup de jeunes oiseaux à leur naissance, et tombe à mesure qu’ils se développent ; l’autre, plus adhérent, qu’on recueille avec beaucoup de soin, est cette plume courte à tuyau grêle, à barbes longues, égales, désunies, dont la nature a composé le vêtement chaud des oiseaux de haut vol et de ceux qui sont aquatiques, pour les garantir du froid qu’ils éprouveroient sans son secours, les uns dans les hautes régions de l’atmosphère, les autres par le contact de l’eau. Ce duvet, chez ces derniers, est d’ailleurs recouvert à l’extérieur d’un plumage serré et huilé, qui le préserve entièrement de l’humidité, et par-là lui permet de conserver à ces oiseaux leur chaleur naturelle.

Le duvet des oiseaux de proie étant, comme nous l’avons dit, très-rare, on ne s’occupe guères que des moyens de se procurer celui des palmipèdes, classe d’oiseaux très-nombreuse, et dont trois espèces principales ont été soumises à la condition de domesticité, savoir : le cygne, l’oie et le canard.

Mais, avant de parler de la récolte de ces trois duvets, qui sont pour ainsi dire sous notre main, nous allons dire un mot d’un duvet qui leur est beaucoup supérieur, par sa douceur, sa légèreté et son élasticité ; c’est l’édredon, et par corruption, aigledon, fourni par un canard qui habite l’Islande, et qu’on appelle eider, anas mollissima de Linnæus, ou oie à duvet. Voici ce qu’en dit M. Sonnini, le digne ami de Buffon et l’un des plus célèbres coopérateurs du Nouveau Dictionnaire d’Histoire naturelle,