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Les eiders s’arrachent, de l’estomac et du ventre, le duvet pour en tapisser leurs nids, échauffer leurs œufs et leurs petits ; il est recherché avec beaucoup de soins dans tous les pays où ces oiseaux sont communs ; c’est le plus doux, le plus léger, le plus chaud et le plus élastique de tous les duvets. La Norwège et l’Islande fournissent cette matière précieuse, qui s’y vend jusqu’à une pistole la livre, lorsqu’elle est bien épluchée et pure.

Les nids des eiders sont, dans le nord de l’Europe, pour les habitans des côtes, une sorte de propriété dont le fonds, quoique libre, n’en est pas moins constant et assuré.

Chacun jouit en paix des nids sur son terrain, et fait tout ce qu’il peut pour y attirer les couples d’eiders ; une forte amende est la peine de quiconque tue un de ces oiseaux. Un seul homme, sur-tout si son habitation est placée sur un des rochers les plus éloignés de la terre, peut amasser, en un an, depuis cinquante jusqu’à cent livres de duvet. Les Danois achètent tout ce qui s’en recueille. Mais c’est une règle générale, que le duvet pris sur l’eider mort, est d’une qualité inférieure à celui qu’il s’arrache lui-même. Nous avons déjà fait cette observation, et nous ajoutons qu’elle est générale pour tous les oiseaux.

Il y a en effet une différence énorme entre les plumes arrachées à l’animal vivant, et celles dont on le dépouille, quand il est mort à la suite d’une maladie ; ces dernières n’ont que fort peu d’élasticité ; leurs franges se pelotonnent à la moindre humidité ; elles ont encore un autre inconvénient ; c’est que, quoique passées au four, les mites les attaquent bien plus promptement et les réduisent en poussière en très-peu de temps. Mais ce ne sont pas seulement les plumes des oiseaux domestiques qui présentent cette différence ; les laines et les crins y sont également assujettis ; la laine tondue sur un animal mort de maladie n’est pas, à beaucoup près, aussi estimée que celle ramassée sur un mouton bien portant ; l’état même de maladie en déprécie considérablement la qualité. Toutes les toiles faites d’un crin coupé sur un animal mort de maladie n’ont aucune force ; aussi les marchands ont-ils grand soin de dire que leur crin est le produit d’un animal vivant ; peut-être une pratique exercée leur enseigne-t-elle à le distinguer autrement que par l’usage : il n’y a pas même jusqu’à l’ivoire, ou morfil, qu’on ramasse au hasard dans les contrées qu’habitent les éléphans, qui ne diffère de celui qui résulte d’un éléphant qu’on vient de tuer ; celui-ci, très-reconnoissable par le moindre tourneur, est d’un prix bien supérieur, d’un plus beau blanc, bien moins cassant, plus fin et susceptible de prendre un plus beau poli.

Duvets ou plumes de cygnes. Parmi les cygnes sauvages, il y en a dont le plumage est entièrement blanc comme celui des cygnes domestiques ; d’autres, et c’est le plus grand nombre, sont plutôt gris que blancs ; et ce gris plus foncé paroît presque brun sur la tête et le dos.

On plume les cygnes domestiques, comme les oies, deux fois l’année ; ils fournissent un duvet recherché par la mollesse, qui en remplit les coussins et les lits. On sait que la même substance, extrêmement fine et plus douce que la soie, forme aussi les houppes à poudrer ; on en fait encore de beaux manchons et des fourrures aussi délicates que chaudes. Les plumes des ailes sont préférables à celles de l’oie, pour écrire et pour les tuyaux de pinceaux.

Duvet ou plumes de canards. Quoiqu’on ne néglige pas, dans quelques cantons, les plumes et le duvet des gallinacées et des pigeons, les palmipèdes en fournissent la plus grande quantité qui se consomme en Europe.