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de l’humidité et des rats ; on élèveroit ensuite tout autour de ce sous-trait un mur de paille, de trois pieds de haut environ, sur quatre de large au moins ; on y placeroit facilement et commodément les racines, au moyen d’une ouverture pratiquée d’un côté, ou même en les jetant par-dessus le mur ; lorsque la cavité seroit comblée, on couvriroit le tas d’une couche de paille, et on continueroit d’élever le mur de la même manière, et à multiplier, suivant le besoin, le nombre des couches, qui pourroient aussi renfermer les différentes espèces qu’on auroit cultivées. On recouvriroit le tout d’une quantité de paille suffisante, pour prévenir l’accès du froid, du chaud et de la pluie. Toutes les fois qu’on auroit besoin de racines, il seroit facile d’en entamer une couche, sans nuire en aucune manière aux autres.

On pourroit commencer à jouir des racines dès la fin de septembre, sur-tout si le fourrage étoit rare, parce que, dans leur nombre, il y en a de tardives et de hâtives, consommer d’abord celles qui sont sensibles au froid, telles que la pomme de terre, et finir par le navet de Suède et le topinambour, qui bravent la gelée. Il est possible que les animaux, qui ne sont pas encore familiarisés avec les racines, montrent, la première fois, de la répugnance et refusent de les manger ; mais on les habitue insensiblement à cette nourriture, en ne les leur administrant, dans le commencement, que bouillies dans de l’eau et mélangées avec un peu de son, de foin, etc. Le grand point, pour les animaux qu’on engraisse, c’est de leur donner peu à la fois, pour les exciter à manger plus qu’ils ne feroient si on leur en donnoit des quantités considérables.

Les racines s’administrent ordinairement quatre fois le jour aux bestiaux, le matin, à midi, à cinq heures et à neuf heures du soir ; cette dernière ration doit être plus forte. Lorsqu’on approche du terme de vendre les bestiaux nourris et engraissés avec des racines, il faudroit, avant de les livrer aux bouchers, les soumettre, une quinzaine, à l’usage du foin ou de quelque autre farineux, par intervalles, afin de rendre leur graisse plus ferme et leur chair plus succulente, et sur-tout quand les racines appartiennent à la famille des choux et des raves, qui ont un montant propre à communiquer un mauvais goût à la viande. On verra, à l’article Pommes De Terre, la manière de faire manger les racines sur place, sans avoir besoin d’en faire la récolte, et, par conséquent, de transporter le produit à la ferme.

Mais ce n’est pas assez d’avoir fait sentir tous les avantages qu’il y auroit de fournir, pendant l’hiver, une nourriture fraîche et salutaire aux animaux, il faut encore chercher à lever les principaux obstacles qui peuvent s’y opposer. Ce seroit rendre un important service à l’agriculture française, que de trouver une méthode facile, et en même temps économique, pour cultiver en grand les racines potagères ; car nous ne pouvons nous dissimuler que cette culture deviendra longue et coûteuse, dans les cantons où le sarclage et la récolte se font à la main ; l’embarras augmentera même encore, si l’on n’a pas la précaution de les semer par rangées, pour permettre à la houe à cheval, à la petite charrue, de passer par les intervalles, pour biner et récolter : d’ailleurs, il faut aussi que le cultivateur jouisse d’une sorte d’aisance qui lui permette d’acheter assez de bestiaux, pour leur faire consommer ces racines.

Tout en convenant des avantages de la culture en grand des racines potagères, M. Sageret l’a plusieurs fois tentée vainement dans les environs de Paris ; ce qui l’a sur-tout effrayé, c’est