Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/528

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le prix exorbitant de la main-d’œuvre. Dans le nombre des racines qu’il a essayées, nous citerons la carotte et le navet : la première est lente à lever, et long-temps après sa naissance, elle se trouve encore foible et étouffée par une multitude d’herbes parasites ; la seconde a un autre inconvénient, celui d’être la proie des insectes, au premier développement des feuilles ; il faut, à cette époque, l’éclaircir, autrement elle ne fourniroit que des racines plus fibreuses que charnues ; mais, dans l’état actuel de notre agriculture, la méthode employée pour les carottes ne paieroit pas les frais, quand bien même leur abondance forceroit de les consacrer aux bestiaux. D’un autre côté, lorsque la sécheresse les fait manquer, ce qui n’arrive que trop souvent, attendu que le sol qui leur convient doit être plus sablonneux qu’argileux, et que le produit est alors si mince, que le prix, à quelque taux qu’on le suppose, compense à peine les frais énormes qu’elles ont coûtés.

Pénétré des avantages immenses attachés à la culture en grand des racines potagères, et à l’emploi de leurs produits pour l’homme et pour les animaux, dans une multitude d’époques, de terrains et de climats différens, Rozier n’a rien oublié de tout ce qui intéresse la carotte, et il forme des vœux pour que sa culture en grand s’introduise en France. Ce vœu est peut-être sur le point de se réaliser. La Société d’Encouragement pour l’industrie nationale a proposé au concours, un prix de 600 fr., pour l’an 13, à celui qui, dans cette année, aura cultivé des carottes, non pas dans un potager, mais en campagne ouverte, à l’instar des Flamands et des Allemands, sur un terrain de deux hectares, ou six arpens. J’ai cru qu’il seroit utile d’insérer ici le programme de cette compagnie.

« La culture en grand des carottes, pour la nourriture des animaux, a été recommandée avec raison par un grand nombre d’agronomes. Cette racine est non seulement très-agréable aux chevaux, aux bêtes à cornes, aux moutons et aux porcs, mais encore elle leur fournit, pendant l’hiver, une nourriture fraîche et abondante ; cependant, malgré les essais heureux qui ont été tentés à cet égard en France, malgré les exemples constans de quelques nations voisines, la culture de la carotte, dans une grande partie de la France, est encore bornée à nos jardins potagers, et le prix élevé de cette racine, dans nos marchés, prouve qu’elle n’est pas assez multipliée, même pour la nourriture des hommes. La Société ne croit pas devoir répéter ici des détails de culture et de produit, qui se trouvent dans tous les livres d’agriculture et de jardinage ; mais elle veut appeler, sur la pratique, l’attention des agriculteurs, et leur montrer l’importance qu’elle attache à cette culture précieuse. En conséquence, elle se propose de décerner, en l’an 13, un prix de la valeur de 600 fr., à un agriculteur qui, dans un département où la culture en grand de la carotte n’est pas pratiquée, aura cultivé avec succès cette plante sur la plus grande étendue de terrain, cette étendue ne pouvant être moindre de deux hectares (environ six arpens de Paris.)

» Dans le cas où plusieurs concurrens auroient ensemencé et cultivé avec les mêmes précautions une égale étendue de terrain, la Société accorderoit le prix à celui qui auroit semé ses carottes avec les grains de mars. Cette pratique, qui a lieu dans plusieurs pays, a des avantages, et la Société saisit cette occasion de mettre les cultivateurs à même de les mieux apprécier.

» Dans cette hypothèse, on doit employer quatre kilogrammes de graines par hectare de terre (environ trois livres par arpent.) Semées de cette manière, les