Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/535

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consommation, ne pourra jamais devenir la règle de ceux qui en font une branche de commerce, qui visent particulièrement à la quantité et au bon marché ; mais chaque chef de famille, dans quelque position qu’il se trouve, peut, à l’aide de quelques ceps, obtenir sa confiture annuelle à quelque degré de bonté qu’il voudra.

Le raisiné ne consiste pas toujours dans le suc de raisin plus ou moins rapproché par l’évaporation, on y fait souvent entrer des fruits à pepins, des fruits à noyaux, selon les ressources locales : dans le nombre, les meilleurs sont les poires et les coins, puis les pommes, enfin les prunes ; mais il faut que ces fruits soient âpres et austères pour en relever la saveur trop douceâtre. D’après ces observations rapides, le bouvard, le marlin sec, la lampe, le messire jean, s’allient très-bien avec les élémens du raisin ; et comme ces espèces n’existent pas en quantité suffisante, toujours on emploie séparément la poire de vigne de la Normandie, le catillac et le grossin : ces derniers ont beaucoup plus d’âcreté. La préparation du raisiné fournit l’occasion de tirer parti des fruits tombés avant la maturité, en ayant soin de les cuire en marmelade, et de les conserver jusqu’à la vendange. Les fruits extrêmement sucrés, succulens, d’une pulpe mollasse, parvenus à une parfaite maturité, sont propres à la confection du raisiné ; ils perdent pendant la cuisson les avantages qu’ils avoient étant crus, et paroissent plutôt décomposés que perfectionnés. Les poires, les pommes et les prunes ne forment pas toujours la base du raisiné, on y fait entrer le potiron, des côtes de melons qui n’ont pu mûrir, les racines sucrées, telles que la carotte ; mais ce n’est pas seulement la qualité des fruits, leur proportion et l’état de maturité où ils se trouvent, qui concourent à la perfection du raisiné. Le procédé dont on se sert pour opérer leur combinaison et leur cuisson, n’a pas moins d’influence sur la qualité et le prix auquel il revient. Il est donc nécessaire que cette préparation, toute simple qu’elle paroisse, soit méthodiquement gouvernée.

Quoique ce soit un usage assez universellement suivi dans tous les cantons vignobles du Midi, de faire à la maison la provision de raisiné pour l’hiver, il s’en faut que toutes les ménagères connoissent le véritable procédé pour le bien faire. Les raisins plus sucrés et moins aqueux n’exigent pas autant d’évaporation, et vice versâ ; la plupart font trop de feu et poussent trop loin la cuisson ; à la longue il s’épaissit ; d’autres restent en deçà, alors il se ramollit, il s’en sépare un sirop, et la masse finit par s’aigrir vers la fin de l’hiver, sur-tout lorsque la saison est douce et humide. Il est donc d’une nécessité indispensable d’assujettir cette préparation à des règles dont on ne s’écarte que le moins possible.

Procédés pour la préparation du raisiné. Une règle générale à établir dans la confection du raisiné, est d’y procéder en deux temps, et d’avoir soin, dès que le liquide épanché est réduit aux deux tiers, de le passer tout chaud, et de le distribuer dans des terrines mon vernissées, évasées, et de l’y laisser jusqu’au lendemain matin ; alors on ramasse, à la faveur d’une écumoire, la pellicule saline qui en recouvre la surface, et n’est autre chose que des cristaux de tartre, dont la séparation est un moyen de diminuer l’acidité trop marquée du raisiné préparé dans les cantons septentrionaux, et peut-être de sa disposition laxative ; car il y a tout lieu de présumer que c’est à la présence du tartre et au corps muqueux que contient le suc du raisin, qu’est due la propriété qu’a ce fluide de relâcher ; propriété qu’il perd en passant à l’état de vin, attendu que la fermentation a converti l’un en alcool, et a précipité une grande partie de l’autre dans la lie.

Une autre condition pour rendre le raisiné aussi parfait qu’il est possible, c’est que, quand il s’agit de faire entrer dans sa composition des fruits ou des racines, il faut toujours que les uns et les autres soient mondés de leur peau, de leurs pepins et de leur écorce, et ne les ajouter à la liqueur que quand elle a été amenée, par l’évaporation, à la consistance de sirop qui se décuit bientôt et conserve une fluidité nécessaire pour favoriser son action sur les fruits, opérer leur ramollissement, leur cuisson et leur combinaison, de manière à former une marmelade égale et homogène.

Une troisième condition est de remuer, sans discontinuer, le liquide composé, et de faire en sorte que la chaleur soit très-modérée ; peut-être seroit-il prudent de n’achever la cuisson du raisiné qu’à la température du bain-marie, comme on a la louable habitude de le faire dans nos laboratoires pour les extraits, et alors il y auroit infiniment moins de risques à courir pour le brûler.

La nature des vaisseaux dont on se sert pour préparer le raisiné, mérite aussi quel-