Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/536

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ques considérations. On s’est plaint dans quelques endroits que son usage avoit occasionné des coliques ; en supposant que ces plaintes fussent fondées, on pareroit toujours à cet inconvénient en n’employant à sa préparation que des vases de cuivre jaune ou de cuivre rouge parfaitement bien étamés, afin d’empêcher l’action de la liqueur qui a toujours un caractère fortement acide sur le métal vénéneux. Voici les méthodes les plus généralement adoptées pour préparer les confitures dont il s’agit.

Premier Procédé. On égrène le raisin qu’on met dans un chaudron placé sur un feu modéré ; s’il ne rend pas assez de jus pour empêcher son adhérence au fond du vase, on écrase d’abord un peu les grains entiers ; puis ils se dilatent, crèvent et laissent épancher le liquide qu’ils contiennent ; on augmente insensiblement le feu, ayant soin de remuer continuellement pour favoriser l’évaporation de l’humidité et empêcher que la matière ne puisse éprouver la moindre carbonisation ; ce qui donneroit à la confiture une odeur et une saveur de brûlé très-désagréables ; lorsqu’on s’aperçoit que la pellicule du raisin est ramollie et assez cuite pour pouvoir se détacher facilement et se mêler à la pulpe, on retire du feu la liqueur épaisse, réduite à la moitié ; on la met par portions sur un tamis de crin, assez serré pour retenir les pépins, et on la force de passer à travers ce tissu, en employant un pulpoir, tandis qu’elle est chaude, et, avec la main, lorsqu’elle est refroidie.

La marmelade ainsi pulpée est remise dans une bassine propre, sur un feu doux ; on procède de nouveau à son évaporation, en remuant sans cesse, principalement quand le terme de la cuisson approche, parce qu’alors elle se caramélise et brûle facilement ; il faut un grand usage pour atteindre le degré de cuisson qui lui convient ; il est d’autant plus nécessaire de le saisir, qu’en deçà le raisiné ne peut se conserver, et qu’au delà non seulement il éprouve un grand déchet, mais il est encore moins agréable ; on doit donc apporter toute son attention à le bien cuire. On est assuré qu’il a atteint ce point, lorsque sa couleur, de vineuse qu’elle étoit, est devenue d’un brun médiocrement foncé, lorsqu’en laissant tomber sur une assiette de faïence une petite masse, elle ne s’affaisse pas trop, et qu’il ne se forme pas autour une espèce d’auréole humide ; par ce procédé, on obtient, de cinquante kilogrammes de raisin, douze à quinze kilogrammes de raisiné fort bon.

Deuxième Procédé. On ne prépare pas seulement le raisiné avec le raisin seul, on y fait entrer souvent d’autres fruits ; ceux qu’on y introduit ordinairement sont les pommes dites de rainettes, les poires de rousselet, le martin sec, le messire jean, le franc réal, le bon chrétien d’hiver, les coins, etc., etc., suivant les ressources locales ; mais tous ces fruits doivent être employés avant leur entière maturité, parce que le principe acerbe, combiné avec le mucoso-sucré du raisin, concourt à la bonté du raisiné ; il faut les peler, les monder de leurs pépins et de leurs cœurs, et éviter de se servir des poires qui sont, comme on dit, pierreuses, et qu’on n’aime point à rencontrer sous la dent. Ces fruits divisés par tranches, sont ajoutés à la liqueur sirupeuse, extraite par la première opération du procédé ci-dessus : on met le tout sur un feu doux, et, à l’aide d’une spatule de bois, on opère le mélange le plus uniformément possible ; on en reconnoît la cuisson aux mêmes signes qui ont été indiqués précédemment. Cette manière d’incorporer les fruits au raisiné réussit ; mais peut-être vaudroit-il mieux ne les ajouter que cuits séparément sous les cendres ou au four, et réduits à l’état de pulpe ; le mélange seroit plus intime et présenteroit un tout plus homogène.

Troisième Procédé. On choisit, on monde les raisins comme dans l’opération précédente ; on foule légèrement les grains pour leur faire rendre un peu de suc ; on les fait bouillir modérément, jusqu’à ce qu’ils soient tous crevés ; on passe alors leur suc à travers un linge clair ; on l’évapore ensuite jusqu’à ce qu’il ait acquis une consistance convenable, ce que l’on reconnoît lorsqu’en mettant un peu de ce raisiné chaud sur une assiette, il parvient, en refroidissant, à l’état d’une gelée assez ferme : ce raisiné, en effet, ressemble plus à une gelée de fruits qu’à une marmelade : sans être plus agréable au goût que l’autre, il lui est cependant préféré, quoique un peu plus cher ; car cinquante kilogrammes de raisins n’en procurent guères plus de huit à neuf kilogrammes ; il peut, comme le raisiné du premier procédé, recevoir, dans sa composition, des pommes, des poires, etc.

Quatrième Procédé. Il consiste à choisir le raisin le plus mûr et le mieux conservé. Dans la ci-devant Champagne, on préfère pour cet objet la variété du raisin franc-pineau,