Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/551

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nauséabonde, plus acerbe, et moins amère ; sa poudre est d’un jaune plus pâle ; mais il ignore si la différence qui existe entre ces deux sortes de rhubarbes, souvent confondues chez les droguistes, est la preuve que ces racines ont appartenu à deux sortes de rheum, ou si elles dépendent des différens climats qui les ont produites, de la culture qu’on leur a donnée, de l’âge qu’elles avoient, lorsqu’elles ont été recueillies. Les botanistes n’ont point encore prononcé sur ce point d’une manière définitive.

Observations sur quelques plantes médicinales. Il existe d’autres végétaux qui, sans offrir à nos besoins une matière nourrissante, filamenteuse, colorante et huileuse, n’en renferment pas moins des propriétés qui les ont fait rechercher pour beaucoup de cas ; leurs usages sont même si étendus, qu’il a fallu les cultiver ; et ce sont aujourd’hui autant de petites branches de commerce.

La médecine, comme on sait, a mis à contribution toutes les familles des plantes, et il n’y a pas un seul individu du règne végétal, dans lequel l’art de guérir n’ait prétendu trouver des qualités plus ou moins efficaces. Quiconque sait apprécier à leur juste valeur toutes ces ressources, se borne à quelques plantes, dont les bons effets ont été constatés depuis long-temps par des expériences et des observations. Leur culture cependant occupe peu de terrain, même auprès des grandes populations. Plusieurs, à la vérité, que la pharmacie, la parfumerie et l’art du confiseur emploient communément, ont donné de la réputation aux cantons qui les cultivent en grand ; aussi l’on dit l’anis et la coriandre de lorraine, l’angélique de Niort, l’iris de Florence, les roses de Provins, la camomille romaine, le safran du Gâtinois, la menthe d’Angleterre, etc.

Mais les végétaux dont il s’agit, devenus des objets de fabrique, ou employés journellement dans l’économie domestique, sont, dans les cantons où leur culture est établie, des ressources pour les hommes qui s’en occupent. Loin qu’elle fasse négliger les plantes qui touchent de plus près à la prospérité publique, elle ne peut qu’y contribuer, car, on ne doit pas se lasser de le répéter, la première richesse de la France étant dans son sol, il faut le couvrir alternativement des différens végétaux nécessaires à nos besoins naturels ou factices, parce que les terres se reposent par d’autres productions, qui réparent leurs pertes et les amendent.

Pour éviter la dépense qu’occasionne l’importation de certaines plantes exotiques, il y a eu de tout temps des médecins qui ont voulu en proscrire l’usage, pour les remplacer par des médicamens indigènes ; mais il faut convenir que nos ancêtres, moins amis des substituts que nous, au lieu de consacrer leur temps à les essayer, ont pris une route plus simple, en cultivant eux-mêmes les végétaux étrangers qui pourroient s’accommoder de notre climat, et sans doute, il a mieux valu naturaliser la rhubarbe de Moscovie, que de la remplacer par la patience, le rapontic et d’autres racines analogues, et il n’y a plus de doute que la rhubarbe, cultivée parmi nous, ne donne une racine aussi forte que celle d’Asie, qu’elle n’en remplisse toutes les vertus, ne fructifie, comme toutes nos plantes usuelles, et que bientôt on ne dise la rhubarbe de France.

Toutes les rhubarbes indigènes ont été soumises à l’analyse en différens temps et par les chimistes les plus distingués ; toutes ont été trouvées contenir à peu près les mêmes principes que les rhubarbes exotiques. M. Clarion, aide-chimiste à l’École de Santé, vient d’examiner de nouveau, avec soin, les propriétés qui sont communes aux unes et aux autres, et les différences qu’elles présentent.

Il résulte de ses expériences que les rhubarbes de France qui ont trois, quatre et même cinq années, traitées par l’eau et par l’alcool, ne donnent point encore de produits exactement semblables à ceux que fournissent, par les mêmes agens, les rhubarbes exotiques ; mais que celle qui a été cultivée pendant six ans en offre de tellement abondans, de tellement parfaits, qu’on peut raisonnablement espérer que la thérapeutique ne tardera pas à prouver que la