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celui des animaux. Les bords du fleuve découverts à l’instant du reflux, offrent une route unie et solide, qu’on choisit de préférence, même pour le passage des voitures. L’espace de terrain situé entre le rivage et les navazos, a quelques mètres de large, et sert de chemin lorsque la marée est parvenue à sa plus grande élévation.

Comment eût-on imaginé de faire produire quatre ou cinq récoltes annuelles à un terrain formé par des monticules d’un sable quartzeux, dans la contrée la plus brulante de l’Europe, si le hasard ne fût venu au secours de l’homme, si une longue observation ne lui eût appris à tirer parti des moyens indiqués par la nature, si le travail nécessaire pour produire une métamorphose si surprenante n’eût été stimulé par le plus puissant des motifs, celui de la jouissance ?

Lorsqu’on se propose de mettre en culture le terrain dont je viens de donner la description, et qu’au lieu de ces monceaux de sable qui fatiguent la vue, on veut couvrir le sol d’un tapis de verdure, et en retirer d’abondantes récoltes, on commence par déterminer la grandeur et la forme que doit avoir le jardin ou navazo. Ces dispositions sont prises d’après la configuration du terrain, d’après les dimensions plus ou moins grandes que présentent les parties basses de ce terrain, etc.

L’objet principal du cultivateur, dans le travail qu’il va entreprendre, c’est de donner au sol une surface égale, et de le niveler à une hauteur donnée, condition indispensable, et sans laquelle on chercheroit en vain à se procurer des récoltes. C’est en ce point que consiste l’art de cette culture ; c’est ici qu’est caché tout le mystère d’une végétation qui étonne l’œil du voyageur.

En effet, la végétation ne s’opère dans ces sables qu’à cause de l’humidité dont le sol est plus ou moins imprégné dans les diverses saisons de l’année. On y trouve constamment, en creusant à une certaine profondeur, les eaux produites en été par le voisinage du Guadalquivir, et en hiver, où leur abondance est beaucoup plus grande, par l’eau des pluies qui découle et filtre des plateaux voisins. Les hautes marées qui se font sentir sur les bords du Guadalquivir produisent aussi une élévation marquée dans les eaux souterraines des navazos.

On conçoit qu’une surabondance d’eau, durant plusieurs mois de l’année, eût apporté dans la culture des obstacles insurmontables, et que le défaut d’humidité, pendant les chaleurs de l’été et de l’automne, eût frappé le sol d’une stérilité absolue.

Il a donc fallu trouver les moyens de faire écouler, pendant l’hiver, les eaux surabondantes, et de mettre à profit, durant les autres saisons, celles que l’on rencontre constamment sous la surface du sol.

L’observation a fait connoître quel étoit le niveau le plus bas des eaux en été, et leur plus grande élévation pendant l’hiver. C’est d’après ces données qu’on a déterminé l’élévation que devoit avoir le sol pour qu’il fût susceptible de fécondité. On a trouvé qu’il étoit nécessaire de tenir sa surface à cinq ou six décimètres (un pied et demi ou deux pieds) au dessus du niveau que conserve l’eau durant la majeure partie de l’année.

On a reconnu qu’à cette élévation le terrain n’était pas inondé pendant l’hiver, et qu’il recevoit pendant l’été, par le moyen des eaux souterraines, toute l’humidité dont il a besoin pour se couvrir d’une végétation vigoureuse. Il suffit pour cela que les racines des plantes trouvent une couche de terre assez profonde pour s’étendre sans pénétrer jusqu’à l’eau ; car alors elles se pourriroient ; et la végétation seroit foible, languissante, ou même ne pourroit avoir lieu. Si l’on donnoit à la superficie du sol un double décimètre (neuf pouces) d’élévation en sus de celui que je viens d’indiquer, on n’auroit aucun produit, excepté en hiver, par la raison que les eaux sont plus élevées qu’en été ; si on l’abaissait au contraire d’un double décimètre, (neuf pouces) on seroit obligé de semer beaucoup plus tard, et l’on obtiendroit des récoltes moins nombreuses et beaucoup moins abondantes. J’ai fait creuser à différens endroits distans les uns des autres d’une demi lieue, ou de trois quarts de lieue, et j’ai trouvé l’eau par-tout à une égale distance de la superficie des navazos. Cette eau n’a aucune mauvaise saveur ; et celle que l’on tire des