Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/563

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SABLES ou TERRAINS SABLONNEUX. On trouve en divers endroits des cultures qui étonnent l’œil de l’observateur, soit à cause de l’art avec lequel elles sont dirigées, soit à cause de la fécondité du sol. Dans le genre de culture dont nous allons donner la description, le sol et le climat n’ont favorisé en rien les efforts de l’homme ; mais au contraire ils semblent leur avoir opposé des difficultés insurmontables. Il a fallu que le cultivateur trouvât dans les ressources de son industrie, dans l’assiduité et l’activité de son travail, les seuls moyens propres à fertiliser un sol qui paroissoit condamné à une stérilité absolue.

La culture qui est en usage en Espagne sur les terrains aux environs de San-Lucar de Barameda, nommés navazos, peut être regardée comme un prodige de l’art ; et aucune des méthodes employées ailleurs ne peuvent lui être mises en parallèle, si l’on considère les difficultés qu’il a fallu vaincre, et les résultats qu’on a obtenus. Je crois devoir entrer dans quelques détails sur cette méthode, soit à cause de l’intérêt qu’elle offre, soit à cause de l’application qui peut en être faite sur les terrains sablonneux de nos départemens, principalement sur les immenses et stériles landes de Bordeaux, sur les sables situés au bord de la mer, et des rivières, et sur les terrains qui conservent l’eau à une certaine profondeur.

Pour bien connoître les principes d’après lesquels cette culture est dirigée, il importe de décrire avec précision la configuration, la nature et les autres qualités du sol sur lequel elle a été établie.

San-Lucar de Barameda est situé sur le penchant d’une colline sablonneuse qui se prolonge le long des bords du Guadalquivir, à quelques lieues vers le nord, et se termine vers le midi aux rivages de la mer, et à ceux du fleuve, à peu de distance de la ville.

Cette colline qui s’étend vers la partie de l’est en forme de plateau irrégulier, présente, du côté de l’ouest, une pente plus ou moins rapide, et laisse entre elle et le fleuve une plaine de cinq quarts de lieue de large.

Sa largeur, qui n’a qu’un quart de lieue dans la partie située en face de la ville, s’étend à mesure que l’on remonte vers le nord. C’est dans cette petite plaine, et sur les rives du Guadalquivir, que l’on trouve les champs désignés sous le nom de navazos.

Le terrain est irrégulier ; il est formé par des monceaux de sables dont les dimensions sont plus ou moins étendues. Les flots agités par les tempêtes soulèvent et entraînent au delà des limites ordinaires du Guadalquivir, ces sables que le fleuve dépose continuellement sur ses bords ; le soleil les dessèche ; et bientôt, devenus le jouet des vents, ils se répandent dans la plaine, et ils forment ces inégalités du sol dont je viens de parler ; plus d’une fois ils ont menacé d’envahir la ville basse, qui même n’existeroit plus aujourd’hui, si l’industrie des cultivateurs ne leur eût opposé des barrières à l’abri desquelles les habitans jouissent de leurs propriétés, et l’agriculteur, du fruit de ses travaux. Quoique ces champs, ou plutôt ces jardins, nommés navazos, aient existé de temps immémorial sur les bords du Guadalquivir, il n’y a que soixante-dix ans qu’on en a fait dans la partie sud du terrain situé entre la ville et le fleuve. Chaque jour on en forme de nouveaux ; et j’ai vu, avec beaucoup d’intérêt, exécuter un genre de travail si extraordinaire.

Les sables sont extrêmement mouvans ; et même ils ne prennent qu’une légère consistance, par une longue culture, et par l’addition des engrais. Une humidité surabondante peut seule les fixer, et les rendre solides sous le pied de l’homme, ou sous