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rité, sont récoltées, et laissent aux autres la place dont elles ont besoin pour prendre leur entier accroissement. Dans le second cas, le cultivateur, après avoir enlevé de son champ une plante intercalée avec d’autres, en substitue une nouvelle, qui trouve assez d’espace pour croître, jusqu’au moment où doit être faite une seconde récolte, et ainsi successivement. C’est par le moyen de cette combinaison que le sol se trouve toujours couvert de plantes qui se succèdent, sans que l’une puisse nuire à l’autre. Cet excellent système ne sauroit trop être recommandé : c’est le même qui est suivi par les maraîchers des environs de Paris.

On a représenté quelques unes des combinaisons qui ont lieu dans les navazos de San-Lucar. K indique un mélange de citrouilles, de choux et de tomates. (Les différentes plantes sont désignées sur la gravure par des signes particuliers.) L représente un carreau de tomates, de choux et de haricots ; M des ognons et des haricots ; W des tomates, des fèves et des ognons.

Les plantes sont alignées au cordeau, et chaque espèce est ordinairement placée à des distances égales, relativement les unes aux autres, ainsi qu’on peut le voir figuré sur la gravure. Comme le sable est très-mouvant, on se contente de faire un trou à la main, lorsqu’on veut mettre une plante en terre. On forme cependant des fosses pour les cucurbitacées, parce que leurs racines ont besoin d’être entourées d’une certaine quantité de fumier.

Ces fosses sont placées à la distance de vingt-cinq à trente décimètres (huit à neuf pieds.) Ou leur donne cinq décimètres (dix-huit pouces) de profondeur, c’est-à-dire, que leur fond doit être élevé d’un décimètre (quatre pouces) au dessus du niveau de l’eau ; leur largeur est de cinq à six décimètres (dix-huit à vingt-deux pouces.) On y met du fumier, en raison d’une charge d’âne par chaque creux. Une partie de cet engrais est jetée au fond de la fosse, et l’autre est mêlée avec le sable, de manière à ce que la fosse en soit remplie. On sème les graines de citrouilles au centre de la fosse, ou bien on y place la plante à l’époque où les tiges ont six décimètres (vingt-deux pouces) environ.

Lorsque les citrouilles ont poussé la seconde ou troisième feuille, ou que les plants sont bien pris, on donne un labour, qui consiste à remuer légèrement la terre, à l’égaliser, et l’affermir. On se sert, à cet effet, d’un hoyau P, dont le manche forme, avec le fer, un angle de quarante degrés. Le fer a trois décimètres (un pied) sur chacune de ses dimensions. Ce labour, ou plutôt ce binage, se donne à toutes les plantes. On le répète, dans quelques circonstances, jusqu’à deux fois. On fait entrer horizontalement en terre le fer du hoyau, à peu de distance de la superficie du sol ; on le retire ; on le passe ensuite à plat sur la terre, par un mouvement de droite à gauche ; et enfin l’on affermit le sable, en frappant plusieurs coups avec le plat de l’instrument. Cette dernière opération correspond au piétinement pratiqué dans nos jardins. Elle est usitée dans plusieurs endroits de l’Andalousie, sur-tout dans les terrains légers. Elle mérite d’être imitée, principalement dans les climats chauds et les terrains arides. Elle contribue puissamment à conserver l’humidité du sol. J’ai plusieurs fois examiné, comparativement, le sol d’un champ qui avoit été ainsi labouré et battu, avec celui qui n’avoit reçu qu’un labour ordinaire. J’ai trouvé que la terre de l’un conservoit une grande humidité, même à la surface, tandis que l’autre étoit desséchée à la profondeur de trois décimètres, et plus.

Lorsque les tiges des citrouilles ont atteint la longueur de treize à quatorze décimètres, on couvre leurs nœuds de sable, afin de leur faire prendre racine ; la plante trouve ainsi une plus grande quantité de sucs alimentaires ; et les sables sont moins exposés à être entraînés par les vents. On coupe, ou l’on écourte quelques tiges aux citrouilles, pour les empêcher de s’étendre au delà de la place qui leur est réservée[1]. La récolte de

  1. On pourroit employer les extrémités de ces tiges comme substance alimentaire, ainsi que cela se pratique dans quelques parties de nos départemens méridionaux, où on les mange en guise d’asperges. C’est un aliment sain et savoureux. On coupe les tiges à différentes époques pour les faire produire en plus grande abondance.