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on plante des laitues. Les sillons II, etc., placés entre les ados, servent à l’écoulement des eaux ; et l’orge met les laitues à l’abri du sable et des vents froids.

On donne souvent aux sillons II une certaine largeur, ainsi qu’on l’a fait ici, afin de les rendre propres à recevoir une culture hâtive de citrouilles. Toutes les fois que l’on confie à la terre une plante délicate, qui pourroit être endommagée par les vents ou par les sables, on a soin de l’abriter par des ados, ou par de l’orge semée sur des plates bandes longues et étroites. Cette orge est ordinairement coupée en vert, pour la nourriture des animaux.

Les fèves, les haricots et les pois se sèment vers le premier de novembre, et dans les mois suivans ; les laitues, depuis le premier novembre jusqu’au dernier de février ; les citrouilles, à la fin de février ; les ognons, de janvier à février ; les tomates et les choux, en mars : la récolte de cette dernière plante se fait depuis octobre jusqu’en janvier ; les tomates commencent en juin, et durent jusqu’en janvier ; presque toutes les plantes n’occupent le sol que durant l’espace de trois ou quatre mois. La végétation est en effet d’une promptitude extraordinaire ; j’ai vu du maïs semé depuis quatre jours, dont les premières feuilles commençoient à paroître.

Non seulement la végétation est très-accélérée dans les navazos ; mais les fruits et les plantes y parviennent à une grosseur et à une hauteur prodigieuses. On y trouve communément des pastèques de vingt à trente livres : on en a vu qui pesoient jusqu’à soixante-quatre livres, ainsi que des citrouilles de cent dix-sept, et des choux de vingt-six.

J’ai mesuré des feuilles de citrouille, dont la longueur, y compris le pétiole, étoit de douze décimètres (quatre pieds), et des pieds de maïs qui, n’ayant pas atteint leur entière croissance, s’élevoient cependant à la hauteur de trois mètres (neuf pieds) ; des ognons de quinze centimètres (six pouces) de diamètre, et de huit (trois pouces) d’épaisseur. On y fait deux récoltes annuelles de pommes de terre ; et, un particulier qui avoit cherché à en obtenir trois, m’a dit qu’il auroit réussi, si le terrain sur lequel il cultivoit eût été moins humide. La même pièce de terre donne, chaque année, quatre ou cinq récoltes qui se combinent les unes avec les autres, et qui se succèdent alternativement. Un pied de melon produit six, huit et dix melons ; il repousse souvent et donne une seconde récolte de trois ou quatre melons moins gros que les premiers. Les citrouilles, après avoir porté quatre ou cinq fruits, produisent aussi une seconde récolte, lorsque les circonstances sont favorables. Une portion de navazos longue de trente-six mètres sur trente de large (dix-huit toises sur quinze) produit environ trente-six mille ognons d’une belle grosseur.

La température du climat de l’Andalousie, la chaleur du soleil, l’humidité du sol et l’abondance des rosées sont les agens qui produisent la végétation dans les navazos de San-Lucar, et lui donnent une force si extraordinaire. Si l’on examine les champs avant le lever du soleil, on y trouve ordinairement les plantes couvertes d’une rosée si abondante, qu’elle pénètre le sable même à une certaine profondeur. Le fumier contribue également à la fécondité du sol, et les produits sont toujours en raison de la quantité d’engrais employée.

Pour obtenir une succession de récolte dans le même terrain, pendant l’intervalle de dix à douze mois, il est nécessaire de former des pépinières où l’on élève les plantes qui doivent être transplantées, lorsqu’elles ont acquis un accroissement suffisant. Le choix du terrain pour former une pépinière est indifférent, puisque sa qualité est la même dans toute l’étendue du champ. Il suffit que la pépinière soit à l’abri des vents, qu’elle ait une exposition favorable, et que les engrais y soient répandus en abondance. Le cultivateur enlève de la pépinière, et place sur le même espace de terrain, par rangées alternatives, deux ou trois différentes espèces de plantes, tantôt à la même époque, tantôt à des époques successives. Dans le premier cas, il combine ses plantations de manière à ce que les plantes confiées au terrain soient douées d’une végétation plus prompte les unes que les autres ; celles qui parviennent les premières à l’état de matu-