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La viande doit être mise à la marmite en même temps que l’eau, autrement l’écume qui se forme à la surface n’auroit pas lieu : elle resteroit confondue en partie dans le bouillon, qui alors a toujours un œil louche et n’est pas de garde. On ne sauroit donc trop insister sur l’attention qu’on doit avoir d’écumer parfaitement le pot, d’y ajouter le sel aussitôt qu’elle est écumée, de ne mettre les racines que quand le bouillon est à moitié fait, et de ménager le feu de manière à ce que la liqueur ne fasse que frémir, que la gélatine ne soit pas détruite par la chaleur de l’ébullition à mesure que l’eau l’extrait, et de prendre garde sur-tout à l’état où se trouve le pain employé pour mitonner la soupe.

C’est le bœuf, le mouton et le porc dont on prépare le plus ordinairement les potages au gras ; leur bouillon sert, comme on sait, de véhicule au vermicelle, au riz et aux ragoûts ; mais les amateurs en ce genre devroient recommander spécialement l’officieuse de n’employer jamais dans ses accommodages qu’une chaleur modérée. Nous revenons souvent sur cet objet, car c’est en quoi consiste le secret de la bonne cuisine, excepté pour le poisson, dont il faut toujours brusquer la cuisson ; les viandes exigent une sorte de lenteur et de temps pour parvenir au degré de perfection qu’elles sont susceptibles d’acquérir par la cuisson.

On prépare un potage, assez ordinairement bon, avec un morceau de mouton associé à du petit lard, du sel et un clou de girofle ; quand tout est cuit à moitié, on passe le bouillon et on y ajoute ensuite le riz qui crève doucement, quand le vase est fermé, sur un feu modéré ; on retire ce riz, qu’on mange en guise de potage ; on expose le mouton et le petit lard sur le gril, pour achever leur cuisson, et on les sert avec une sauce piquante.

On augmente infiniment la qualité substantielle des potages, par l’addition d’un morceau de vieilles volailles, telles que coqs, chapons, poules, pigeons et perdrix, en observant de le mettre en même temps que la viande de boucherie, afin que l’un et l’autre fournissent ensemble leur écume et tous les sucs gélatineux que l’eau peut en extraire.

Nous dirons encore que les os des rôtis de bœuf, de veau, de mouton, de volaille, donnent au bouillon une saveur fort agréable, non à cause de la gélatine qu’ils contiennent, car elle est essentiellement fade et presque insipide, mais bien par rapport à la légère torréfaction et à l’absorption des sucs et de l’arôme de la viande qui les recouvre la chaleur qui exerce son action, d’abord sur la partie extérieure, fait refouler la majeure partie des liquides contenus dans la viande vers le centre.

Quand on veut donner de l’agrément au bouillon, par des herbes aromatiques, il faut avoir l’attention de ne les ajouter que hachées menues et au moment où l’on va dresser la soupe : tel est, par exemple, le cerfeuil qui, changeant d’odeur et de goût par une chaleur soutenue, donneroit au contraire au potage un mauvais goût.

Une autre précaution, c’est de ne pas tremper, comme on dit, la soupe avec la mie du pain, sur-tout au sortir du four, à moins qu’elle ne soit grillée modérément, et de préférer la croûte ; la première mitonne mal, décompose sensiblement le bouillon, le décolore, affaiblit, modifie son goût, sa force, son caractère ; et le second, au contraire, ajoute à sa saveur ; aussi le pain réduit à l’état de biscuit bonifie-t-il le potage au lieu de le détériorer.

Une autre attention, c’est de ne jamais servir les viandes bouillies sur la table, sans les avoir, au sortir de la marmite, saupoudrées d’un peu de sel égrugé ; peut-être faudroit-il avoir la même précaution pour celles qui sont grillées ou rôties. Cet assaisonnement se dissout, se combine, se distribue alors d’une manière plus uniforme, au moment où toutes leurs parties sont encore dilatées et pour ainsi dire fluides.

Soupe maigre. Indépendamment des potages préparés au lait pourvu de sa crème, ou au lait de beurre, et dont la base est le riz, l’orge monde, perlé ou grené, le potiron, les choux, on en fait encore aux herbes, aux racines et aux graines légumineuses. Le consommateur qui n’aimeroit point à rencontrer sous la dent ces graines, pourvoit les convertir en farine, et préparer la soupe plus promptement et à moins de frais ; mais, pour les moudre, il faut préalablement les faire sécher au four, et même les torréfier légèrement, sans quoi l’humidité constituante des graines s’échauffant par la rotation et la pesanteur des meules, la farine passe difficilement à travers les bluteaux, dont elle graisse le tissu, d’où résulte une purée moins délicate que celle préparée avec la semence légumineuse cuite entière, puis écrasée et passée.

On ne peut pas toujours avoir des herbes fraîches pour la soupe maigre ; les ménagères s’occupent l’automne d’en faire cuire la provision de l’hiver. Tout le monde connoît la