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des secours à domicile seront en proportion des besoins, et que leur administration aura reçu le perfectionnement qu’elle attend, ces pasteurs zélés et charitables auront des successeurs. Tout nous promet un avenir plus heureux : peut-être n’est-il pas loin de nous, le temps où les membres des comités de bienfaisance auront la consolation de pouvoir dire, comme le ci-devant curé de Saint-Étienne-du-Mont, à la fin de l’hiver de l’année 1787 : S’il est un pauvre qui ait souffert, et que je n’aie pas soulagé, qu’il m’accuse, car mes paroissiens ne m’ont pas laissé manquer de moyens pour les secourir. Mais le riz économique, malgré la vogue qu’il a eue, est plutôt une bouillie épaisse qu’une véritable soupe ; et, sous la première forme, les farineux, ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer, rapprochés et moins délayés, présentent une masse visqueuse, que les sucs digestifs ne peuvent que difficilement pénétrer, dissoudre et changer en notre propre substance. Qu’arrive-t-il ? ils séjournent peu dans l’estomac, et sont pour ainsi dire précipités par leur propre poids dans les entrailles, ce qui fait que l’appétit renaît bientôt, souvent même avec plus d’énergie qu’auparavant ; car on sait maintenant que, l’espèce de préparation donnée aux différens mets en facilite plus ou moins la digestion, et que beaucoup d’alimens deviennent plus nutritifs dès qu’on saisit le point d’apprêt et la consistance qui leur convient le mieux.

Nous ne formons aucun doute qu’un jour l’orge mondé, proposé pour suppléer le riz, et préparé à l’instar de ce grain, ne devienne un secours habituel pour les indigens, et une ressource pour toutes les classes de la société ; chacun y trouvera à peu de frais et sans aucun embarras une nourriture toute prête, d’où résulteroit une économie de temps, de combustible et de main-d’œuvre : ce seroient des potages économiques d’orge, non moins utiles que les soupes aux légumes, par lesquelles nous terminerons cet article.

Soupe aux pommes de terre.
Tête de bœuf 12 liv.
Pommes de terre 9 boiss.
Ognons 1 liv.
Poivre 1 once.
Sel 1 liv. ½
Eau 80 pintes.

Faites bouillir la viande dans l’eau sur un feu doux, réduite à soixante pintes, écumée avec soin ; les pommes de terre et les ognons bien pelés sont mis à la marmite avec le sel ; le poivre seul est ajouté peu de temps avant de tremper la soupe ; il faut une pinte de bouillon par personne.

Soupe au riz et aux pommes de terre. Sur une livre de riz, mettez quatre ou cinq livres de pommes de terre, une livre de pain, environ deux onces de sel, quatre pintes d’eau, mesure de Paris, et trois demi-setiers de lait ; faites crever le riz dans deux pintes d’eau ; à mesure où il s’épaissit, mettez-y, par intervalles, de l’eau chaude, jusqu’à ce qu’il en soit entré la quantité ci-dessus. Remuez-le toujours, afin qu’il ne s’attache pas au fond du vase. Lorsqu’il est cuit, versez-y le lait avec le sel, le pain et les pommes de terre ; faites bouillir le tout un instant ; ôtez-le de dessus le feu et continuez de le remuer pendant un demi-quart d’heure ; il faut environ trois heures pour l’apprêter. Avant de mettre les pommes de terre dans le riz, on les fait cuire dans l’eau, on les pèle et on les écrase comme pour en faire du pain. On coupe le pain en tranches très-minces.

On trouve ainsi dix portions de deux grandes cuillerées chacune par livre de riz préparé selon cette méthode ; on pourroit même en faire davantage en ajoutant une plus grande quantité de pommes de terre. Le goût qu’elles communiquent au riz n’est point désagréable, et elles sont par elles-mêmes une fort benne nourriture, comme l’ont éprouvé quelques familles, qui, faute d’autre aliment, n’ont presque subsisté, pendant les hivers entiers, que de pommes de terre cuites sous la cendre, et qui se sont portées aussi bien que celles qui n’ont point été réduites à cette extrémité.

Soupe aux grosses fèves. Prenez six livres de cosses de pois verts de jardin, dont le parchemin soit enlevé ; huit livres de jeunes gousses de fèves avec leurs fruits ; trois livres de feuilles d’oseille ; trois livres de feuilles de cardes poirées blanches.

On fait cuire le tout dans quatre-vingt-quatre pintes d’eau, mesure de Paris ; ensuite on ajoute une livre de graisse de cochon, roussie avec un peu de farine ; quatre livres de riz cuit et réduit en bouillie ; quatre livres de pois secs et réduits en bouillie ; une livre et demie de sel commun ; deux gros de poivre.

Après quelques minutes d’ébullition, on jette la liqueur sur vingt livres de pain coupé, d’où résulte une bonne soupe, très-nourrissante, qui fait vivre par jour quarante pauvres, sans que pour la préparer il ait fallu brûler beaucoup de bois, ni faire une grande dépense.