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soulagement des pauvres ; pour ne laisser rien à désirer sur cet objet, je vais transcrire ici son procédé :

Manière de faire des bouillons à peu de frais pour cinquante personnes. Prenez quarante pintes d’eau et les mettez dans un chaudron enté sur un fourneau, tel que celui des teinturiers : de cette manière, il ne faudra que le tiers du bois qu’on emploie ordinairement.

Il sera bon qu’il y ait un gros robinet au bas de ce chaudron, pour en tirer le bouillon aisément et promptement ; si l’on n’a pas cette commodité, on pourra se servir d’une marmite de fer ordinaire, et la pendre à la crémaillère.

Quand l’eau sera tiède, jetez-y une demi livre de sel au plus, et y mêlez deux livres de gruau ou d’orge mondé cuit pour épaissir la soupe et lui donner bon goût.

On observera de faire cuire les racines et les herbes potagères ou légumes dont on voudra se servir dans une marmite à part, de la manière suivante ; parce que si on les faisoit cuire dans le grand chaudron, il faudroit employer plus de temps et plus de feu, ce qui feroit diminuer le bouillon.

Prenez deux livres de beurre salé, de graisse ou de lard, faites-les fondre dans une marmite qui soit de telle grandeur, que vos herbes la puissent remplir tout à fait.

Jetez dans cette graisse ou dans ce beurre roussi, les herbes épluchées, lavées et coupées menues, et remuez-les souvent, afin que le tout se cuise également.

Si vous prenez des choux, ognons, concombres, citrouilles, navets, poireaux et telles autres racines, herbes ou légumes, il faut les couper par petits morceaux, afin qu’elles puissent être mêlées plus également lorsqu’elles seront mises dans la grande marmite. Pour relever les potages, vous y ajouterez un peu de ciboules, d’aulx ou d’échalotes.

Si vous voulez mettre des pois ou des fèves dans vos potages, prenez-en un demi-boisseau, et faites-les moudre après les avoir fait sécher au four, ils cuiront alors en un quart d’heure ; d’ailleurs, si vous les laissez en leur entier, il ne se peut faire que ce demi boisseau, partagé en cinquante portions, se répande également.

Les pois, le riz, l’avoine et l’orge mondé, moulus ou battus, se cuisent en un quart d’heure, comme de la bouillie ; au lieu qu’il faut bien du temps et des façons pour les faire cuire lorsqu’ils sont entiers.

Lorsque les racines, herbes ou légumes seront cuits dans la petite marmite, on les jettera dans l’eau bouillante du grand chaudron, et l’on fera bouillir le tout ensemble pendant un quart d’heure, plus ou moins.

Quand on sera prêt à tremper la soupe, on ajoutera une cuillerée de poivre dans le bouillon, et ensuite on y ajoutera promptement vingt-cinq livres de pain coupé par petits morceaux, gros comme la moitié du pouce, et non par petites tranches. Plus la soupe est chaude quand on la mange, plus elle fortifie et rassasie : c’est pourquoi il sera bon, si cela se peut commodément, de faire bouillir le pain avec le bouillon, l’espace d’un miséréré.

Tableau des soupes économiques. Les tableaux que nous allons présenter serviront à prouver d’une part, qu’on peut varier à volonté la saveur et la consistance des soupes ; que de l’autre, les difficultés locales pour se procurer les substances y dénommées, ne sauroient être un motif pour renoncer aux avantages de ce genre d’aliment. En observant attentivement les proportions de chacune, il est facile de les remplacer par d’autres substances d’un prix inférieur, telles que le maïs, le sarrasin, le millet, dans certains cantons, au lieu d’orge, en les augmentant ou les diminuant, suivant la consistance qu’elles donnent à l’eau.

PREMIER TABLEAU
Pour trois cents soupes économiques.
Eau de rivière, ou eau pure 800 liv.
Pommes de terre 60
Orge mondé 25
Haricots, pois ou lentilles 26
Graisse préparée 2
Sel 5
Ognons 1
Céleri, les feuilles seulement 2
Herbes cuites
Thym et laurier sec, de chaque 3 g.
Persil 3 onc.
Poivre 1 onc.
Bois brûlé pendant la cuisson de 40 à 50 liv.

Dès la veille au soir, on commence à cuire les pommes de terre dans une marmite surmontée d’un fond percé, placée à côté de la grande, qui doit contenir les soupes ; une heure au plus suffit pour cette opération : lorsqu’elle est achevée, on met dans la même marmite, des haricots, qui trempent depuis la veille dans un vaisseau de terre avec un peu d’eau froide ; à mesure qu’ils absorbent cette eau en cui-