Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/627

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elle forme, à l’endroit ouvert, une voûte de terre mobile qui présente à l’extérieur une taupinière oblongue, au moyen de laquelle elle réunit et rapièce, pour ainsi dire, le boyau coupé ; la taupe vient ainsi réparer la taupinière fraîche qu’on endommageroit. Les taupes travaillent peu en hiver ; mais c’est à l’approche du printemps qu’elles ont plus d’activité et qu’elles mettent plus d’ardeur dans leur travail ; elles recouvrent en cette saison leur vigueur, la terre se remue plus facilement, et la nécessité de nourrir leurs petits les fait s’occuper incessamment d’ouvrir de nouveaux boyaux pour y trouver les substances qui leur conviennent.

Les taupinières formées par le mâle, qui est plus vigoureux, sont plus grosses et plus multipliées ; celles de la femelle sont petites et peu nombreuses ; les jeunes font seulement de longues traînasses, en effleurant la superficie de la terre qui suffit à peine pour les recouvrir.

Les taupes sont le plus ardentes à travailler au lever et au coucher du soleil ; on les voit aussi s’occuper à neuf heures, à midi et à trois heures. Le soleil levant est le temps où elles font le plus de taupinières pendant la sécheresse, tandis qu’en hiver elles attendent, pour travailler, que le soleil ait réchauffé la terre de ses rayons.

Déduisons de la connoissance des mœurs de la taupe, les principes qui doivent diriger le taupier. On doit choisir, pour faire la guerre aux taupes, le moment où elles travaillent ; la saison la plus favorable est le printemps ; l’heure la plus propice, le lever du soleil ; viennent ensuite les autres heures que nous venons d’indiquer. Le caractère craintif des taupes doit empêcher de faire du bruit et de frapper la terre quand on les guette. Dans certains cas, on peut les forcer de sortir de leur souterrain, en y versant de l’eau. Une taupinière fraîche annonce la présence d’une taupe, si on ne la voit percée, dans son centre, d’un trou perpendiculaire d’environ deux pieds de diamètre ; car alors il est certain que la taupe a quitté cette retraite pour chercher un sol qui lui convient mieux. On seroit toujours assuré de prendre la taupe qui travaille dans un assemblage de taupinières fraîches, si l’on prenoit la peine de les enlever toutes avec la houe, et de découvrir leurs boyaux. Cette opération embarrassante et longue deviendroit extrêmement facile si on pouvoit réduire la taupe et l’enfermer entre deux points peu éloignés ; car il suffiroit alors, pour la trouver, de découvrir avec la houe l’espace intermédiaire de ces deux points. Pour réduire la taupe entre deux points d’un boyau, il suffit de quelques coupures faites à propos dans le boyau : ces incisions lui coupent pour ainsi dire le chemin, puisqu’elles ne les franchissent qu’après les avoir réparées ; il faut de plus fermer légèrement avec un peu de terre l’extrémité des boyaux qui y aboutissent.

Pratique de l’art du taupier. Le seul instrument nécessaire au taupier, est une houe, des morceaux de paille, de papier blanc et un peu d’eau.

Le premier objet qui doit occuper un taupier en entrant dans un héritage, est de savoir combien il renferme de taupes, pour les attaquer toutes à la fois, afin de pouvoir aller plus vite en besogne. Je suppose une pièce de prés, représentée dans la Pl. V, (p. 349) couverte des taupinières, fig. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 ; j’aperçois, fig. 1, une taupinière isolée ; elle est fraîche, donc elle annonce l’existence d’une taupe ; elle est grosse, donc elle a été faite par un mâle. Les deux taupinières, fig. 2, sont peu éloignées l’une de l’autre ; elles ont aussi été faites par une seule taupe ; elles sont petites, donc elles appartiennent à une femelle. Les trois taupinières, fig. 3, sont encore peu éloignées ; elles appartiennent encore à une seule taupe, qui est mâle ; car ces taupinières sont grosses ; elles sont fraîches, donc la taupe y travaille. Les six taupinières, fig. 4, peu éloignées entr’elles, appartiennent à une seule taupe ; elles sont fraîches et petites, donc elles recèlent une femelle. Les traînasses en zigzag, ou taupinières informes, fig. 5, sont fraîches ; elles appartiennent à une jeune taupe. Les trois taupinières, fig. 6, sont sèches, donc elles ont été abandonnées. Les taupinières, fig. 7, sont encore fraîches ; mais une d’elles, M, est percée par le