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la pomme de terre et la patate étoient inconnues en Europe, et que, des trois plantes qui couvrent aujourd’hui nos tables d’excellentes racines, le topinambour est la première qui a été introduite parmi nous.

On ne sait pas bien positivement si la plante est originaire du Brésil ou bien du Canada : les auteurs sont partagés d’opinion sur ce point ; ce qu’il y a de certain, c’est qu’à en juger par quelques unes de ses propriétés, elle semble venir des pays situés au nord, car elle résiste bien plus long-temps au froid que la pomme de terre et la patate ; mais, ainsi que ces deux plantes, elle a une vigoureuse végétation, et produit beaucoup.

Le topinambour n’est pas encore assez cultivé pour avoir un grand nombre de variétés ; s’il en existe, je ne les connois point. Cette plante fleurit tard, et il est difficile d’obtenir par conséquent de la graine à maturité. M. Quesnay de Beauvois, qui a communiqué à l’ancienne Société royale d’Agriculture de Paris quelques observations sur cette plante, ne fait mention que d’une seule espèce.

La culture du topinambour est aisée ; il faut remarquer seulement que la plante vient mieux dans une terre forte, où le chanvre et le froment se plaisent, que dans un fonds sablonneux ; que même un sol trop léger ne lui convient pas du tout, tandis que la pomme de terre y réussit à merveille ; mais la végétation en est aussi vigoureuse ; et dès que la plante s’est emparée d’un champ, il est difficile de l’y détruire : les endroits bas, humides, et un peu ombragés, ne lui paroissent pas contraires.

La terre étant bien préparée, on divise les topinambours par morceaux, auxquels on laisse deux ou trois œilletons ; on met chacun d’eux à quatre pouces de profondeur, distans les uns des autres de neuf à dix pouces en tous sens, dans des rigoles ou des trous qu’on recouvre ; quand la plante a sept à huit pouces d’élévation, on la sarcle ; on la bute ensuite, dès qu’elle a atteint une certaine force. Sa maturité est annoncée par le feuillage qui se flétrit, et la récolte s’opère avec la fourche à deux dents. On peut planter aux pieds des haricots grimpans, et, dans leurs rangées, plusieurs espèces de choux. Cette double culture m’a très-bien réussi.

La plante a encore cela de commun avec la pomme de terre et la patate, que les branches couchées ou coupées, avec les précautions déjà indiquées, prennent racine, et fournissent ensuite des tubercules peu différens, pour la grosseur, de la principale racine. Cette plante a donc également la faculté de se propager par bouture et par marcotte. Je ne doute pas que, dans les endroits où il est possible d’amener la graine à maturité, elle ne puisse se reproduire aussi par semis, ce qui est bien contraire à l’assertion de quelques écrivains, qui ont prétendu que la plante n’étoit vivace que par ses racines, et non par ses tiges.

On parle souvent des graines de cette plante ; je n’en ai jamais vu : pour m’en procurer, j’ai cru devoir hâter sa floraison ; en conséquence, d’abord j’en ai mis quelques tubercules sur couches ; ils ont été transplantés ensuite sur un sol léger, bien fumé et exposé au soleil ; mais, quoique la fleur ait paru un peu plus tôt, elle n’a pas rapporté de graine ; peut-être aussi la continuité de la reproduction par bouture est-elle la première cause de ce que la plante ne produit pas de semence à maturité, et que la nature paroît se refuser à une opération qui devient inutile.

On est tout étonné de lire dans un ouvrage estimé, Bon Jardinier, qu’il est possible de cultiver le topinambour par la voie des semis, et qu’il faut prendre garde de laisser en terre ses tubercules pendant l’hiver, parce qu’ils périssent si les gelées sont fortes ; j’ignore si l’auteur a eu la faculté de faire la première tentative ; mais je dois assurer que l’un des avantages de cette plante, est de résister aux plus grands froids.

Dépourvu d’amidon, le topinambour n’est pas susceptible, comme la pomme de terre, de la fermentation panaire, ni de fournir une liqueur spiritueuse comme la