Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/636

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lui-même, tende à tomber sur le terrain, et l’on développe le reste de la toile pour l’attacher de même à son autre extrémité. Le développement des panneaux fait ordinairement la lisière de quelque chemin ou sentier qui coupe le bois : quelquefois, selon les localités ou l’intention du chasseur, il forme une enceinte demi-circulaire, ou se replie en ailes comme les côtés d’un carré. Pour tenir le filet tendu en forme de haie ou de muraille, on se sert des piquets indiqués ci-dessus ; on les enfonce devant le filet, à la distance, ainsi que je l’ai dit, de dix-huit pieds l’un de l’autre, et en les inclinant un peu vers le côté où se doit faire la battue et par où le gibier doit venir. On relève à fur et à mesure, sur chaque piquet enfoncé, le maître qui borde la lisière supérieure du pan, et on l’engage légèrement sur la tête de ce piquet. En continuant cette opération tout le long du chemin, on sent qu’une partie de bois se trouve fermée comme par une haie dans laquelle doit donner le gibier. C’est en se jetant contre cet obstacle qu’il doit enlever la lisière supérieure du pan de dessus le piquet qui la tient élevée ; par là, cette lisière retombant sur la bête, l’enveloppe, et donne au chasseur la facilité de l’y saisir. On voit d’après cela qu’il faut que le maître ne soit arrêté sur chaque piquet que de manière à céder à la première impulsion. Une autre précaution à prendre pour le placement des toiles et l’inclinaison des piquets, est d’observer le vent et de disposer sa chasse de manière qu’il donne dans le nez du gibier, lorsqu’il marchera vers les panneaux, et que par conséquent, les classeurs qui l’y poussent cherchent à tourner leur proie tout à fait en dessous du vent.

Tout cela bien observé, les chasseurs se séparent en deux bandes. Les batteurs ou traqueurs, s’ils ne sont toutefois restés en arrière, partent d’un bout des panneaux, ou mieux encore des deux bouts de l’enceinte, et descendant le long du terrain qu’ils se proposent d’embrasser, ils se réunissent à un point déterminé, où, faisant volte-face, et marchant sur une grande ligne, dont il est bon que le centre reste un peu en arrière pour faire la courbe, ils avancent vers les panneaux, faisant grand bruit, battant les buissons avec des bâtons, et remuant les feuilles sur leurs passages. Les autres chasseurs, ainsi que les curieux, restent pendant ce temps derrière les filets et se placent de manière qu’au moins une personne se trouve au tiers de la longueur de chaque pan. Autant les traqueurs doivent faire de bruit et s’agiter, autant les observateurs doivent être silencieux et attentifs à ce qui se passe sur la partie de filet que chacun doit inspecter. Il ne faut ni se montrer ni parler mal à propos ; en un mot, tous leurs mouvemens doivent être commandés par quelque nécessité. Dès qu’une bête donne dans le panneau, celui dans le domaine duquel elle passe doit être diligent à aller s’en saisir, tant pour qu’en se débattant elle ne rompe pas le filet, que pour le retendre. Quand le gibier est abondant et que la chasse a du succès, il est plus convenable d’assommer la bête dans le filet que de l’en tirer vivante. Pour cela, on est armé d’un bâton à masse ou à crosse, destiné pour cet usage, et dont il est essentiel de se pourvoir.

C’est sur-tout lorsque les traqueurs commencent à approcher, que les assommeurs doivent être plus alertes et plus vigilans ; c’est en effet le moment où il est probable qu’il y a plus de gibier de rabattu, et qu’il va donner en troupes dans les panneaux ; et si alors on ne l’y assommoit pas, il s’en débarrasseroit beaucoup, outre que les efforts réunis de plusieurs de ces animaux suffiroient pour rompre le filet. Un chien est inutile à cette chasse, quand elle est faite avec tous les moyens que je viens d’indiquer ; il y seroit même plutôt nuisible. Quand on a bien battu un terrain, il faut rester quelque temps sans y reparoître, autrement on courroit risque de perdre son temps et ses peines. Les jours de brouillard sont assez favorables à cette chasse ; dans les temps ordinaires, l’heure qui lui convient le mieux est avant le lever du soleil.

Si l’on veut panneauter dans l’été, il faut choisir une place où abondent les terriers, et l’enceindre de panneaux. On bouche de