Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/672

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les fanfares continuent, et, lorsqu’elle est finie, on conduit les chiens à l’eau la plus prochaine pour s’y désaltérer.

Outre cette curée générale, on en donne souvent une autre aux chiens ; on la nomme forhu. Ce sont les intestins de l’animal, vidés et lavés, que l’on porte au bout d’une fourche, à la fin de la curée, pour encourager les chiens, en leur répétant le mot : tayaux, que l’on emploie à la chasse pour les relever d’une mauvaise voie. Au bout de quelques instans d’attente et de désirs, on leur livre le forhu.

Chasse du chevreuil. Il est nécessaire de chercher, à l’article Chevreuil, les connoissances qui doivent diriger à la chasse de cet animal.

On détourne le chevreuil comme le cerf. Le partage des relais, l’attaque et le laisser courre, c’est-à-dire l’action de le lancer avec le limier, ou de le faire partir, sont les mêmes que pour la chasse du cerf. Celle du chevreuil est moins fatigante et tout aussi agréable. On y parle aux chiens en termes un peu moins forts que pour le cerf, et on leur dit souvent ; bellement, sagement ; ça va, chiens, ça va ; il fuit là, là, ha. On cherche, autant qu’il est possible, à avoir l’animal par corps ; ce qui n’est pas difficile, parce que le chevreuil traverse fréquemment les routes, et suit beaucoup plus les bois clairs que les cantons fourrés. Sa curiosité est remarquable ; lorsqu’il a été lancé il revient sur ses pas, pour examiner ce qui a pu troubler son repos ; ses détours et ses ruses sont très-multipliés, et il n’attend pas à les mettre en œuvre que les forces lui manquent, comme le cerf. Il aime à ruser dans l’eau et au milieu des grandes herbes qui croissent sur les terrains marécageux ; quelquefois un chevreuil qui s’est relaissé (couché, après avoir pris de l’avance sur les chiens) soit dans l’eau ou dans les roseaux, soit dans les broussailles, ou entre des roches, s’obstine tellement à ne pas sortir, que pour le chasser, on est obligé de lui donner des coups de fouet.

Quoique l’ardeur des chiens soit plus vive à la chasse du chevreuil qu’à celle du cerf, il ne leur est pas facile de garder le change, parce que l’animal va continuellement par bonds ; aussi, dans un défaut, est-il nécessaire de bien prendre les devants. Quand le chevreuil est sur ses fins, il perd la tête, et se relaisse par-tout où il croit se dérober à la poursuite de ses ennemis ameutés ; il entre quelquefois dans les jardins, les maisons et les étables ; il n’appuie plus que du talon, et donne par-tout des os en terre ; il se méjuge, ses allures sont tout à fait déréglées, ses randonnées se raccourcissent, il ne fait plus que des retours, qui donnent aux chiens la facilité de se trouver sur son passage, ou de le gagner de vitesse, ou de le surprendre relaissé ; ils le portent à terre et l’étranglent. La trompe sonne sa mort, toute la meute se rassemble, et on lui donne la curée. On se contente, pour l’ordinaire, de ne laisser aux chiens que les dedans du chevreuil, avec le sang, du lait et des morceaux de pain. La délicatesse de ce gibier le fait réserver pour la table des chasseurs, et permet rarement de l’abandonner en entier aux chiens.

Si l’on veut se procurer des chevreuils vivans pour en peupler des bois ou des parcs, on les prend avec des panneaux. (Voyez Tramail.) Après avoir détourné les animaux, on fait tendre les panneaux sans bruit et avec le plus de promptitude possible, de peur que les chevreuils effrayés n’abandonnent l’enceinte. Lorsque les panneaux sont tendus, plusieurs hommes se cachent auprès, et se placent à quelques pas l’un de l’autre. L’on va ensuite aux brisées avec le limier pour lancer les chevreuils, ou l’on fait entrer dans l’enceinte, du côté opposé aux panneaux, des traqueurs qui, rangés en haie, s’avancent à petit bruit, font fuir les chevreuils devant eux, et les contraignent à donner dans les pièges. Les chasseurs qui sont cachés à portée, se jettent aussitôt aux jambes des animaux, et les saisissent avec précaution de peur de les blesser. On les transporte ensuite, sans les attacher, dans des espèces de cabanes, que l’on met sur des charrettes. Toute saison est bonne pour cette chasse, à l’exception du printemps, époque à laquelle les chevrettes mettent bas leurs faons.