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quantité de salpêtre ; on les place dans des baquets de bois ; on les charge d’un poids considérable, qui en exprime une liqueur rougeâtre, à laquelle on procure un écoulement, en débouchant le fond du baquet. On retire la viande des baquets, pour la placer sur des planches ; on la frotte de nouveau avec du sel pilé, sans mélange de salpêtre, et ensuite on l’arrange dans des barils, en isolant chaque morceau avec du sel.

Les barils pleins, on les ferme ; ensuite on prend la liqueur exprimée par la première opération, on la fait bouillir, on l’écume, on la concentre et on la verse refroidie, et en plusieurs fois, dans le baril, par l’ouverture du bondon ; et lorsqu’on est assuré qu’il n’existe dans le baril aucun vide, on le bouche. C’est par des procédés à peu près semblables qu’on est parvenu à saler non seulement les viandes des autres quadrupèdes, mais encore des oiseaux, et même celles des poissons.

Les Mahométans conservent leurs viandes, et les Africains celle du chameau, à peu près aussi de la même manière ; ils leur donnent un quart de cuisson dans du beurre fondu ; ils ne les salent et ne les assaisonnent que comme pour l’usage journalier ; ils les laissent refroidir, les arrangent dans des jarres de terre, versent dessus le beurre figé, et ils ferment exactement les vases, ayant soin chaque fois qu’ils en tirent un morceau de viande, que le reste soit bien couvert de beurre. Dans les pays où l’huile est commune, on s’en sert pour conserver la viande et certains poissons, le thon, par exemple. Le procédé consiste à découper la viande d’un bœuf bien saigné, et dès qu’il est tué, à arranger aussitôt les morceaux dans des jarres, ou mieux encore, dans des bocaux de verre, à y verser assez d’huile d’olive fraîche, pour que toute la viande en soit noyée et couverte. Les bocaux parfaitement remplis, on les ferme avec un bouchon de liège, luté avec une pâte de craie et d’huile, qui forme le mastic des liquoristes. Un de ces bocaux, ayant été ouvert après cinquante jours de navigation, la viande s’est trouvée non altérée. Lavée, pressée et battue dans l’eau, pour la débarrasser de l’huile, cuite ensuite, elle flattoit encore le goût et l’odorat.

Dans l’Inde, on soumet souvent le poisson à la préparation suivante : on le nettoie, on le découpe par tranches, on le saupoudre de sel, de poivre, on le met dans un vase entre des couches de tamarin ; quelquefois on ajoute aux ingrédiens précédens, du piment, de l’ail, de la moutarde, et même de l’assa fœtida.

On conserve encore les viandes à l’aide de plusieurs liqueurs ; celle qu’on nomme saumure, et qu’on emploie pour le bœuf, le mouton et le cochon, se prépare en faisant bouillir quatre livres de sel marin, une livre et demie de sucre, deux onces de salpêtre, dans trente-quatre livres d’eau ; on écume et on retire du feu ; on verse cette liqueur refroidie sur la viande, dépouillée de sang, et frottée avec du sel.

On vante encore un moyen merveilleux, l’acide muriatique étendu dans une quantité d’eau suffisante pour conserver les viandes, pour leur donner un goût agréable, et les rendre propres à être digérées facilement.

On a laissé de la viande pendant neuf mois dans l’alcool à 13 degrés : au bout de ce temps, elle a fourni de fort bon bouillon.

On peut conserver la viande huit à dix jours, et même rétablir celle qui est altérée, en la lavant deux à trois fois par jour avec de l’eau saturée d’acide carbonique, ou en l’exposant au gaz carbonique dans une cuve en fermentation. Les personnes qui habitent la campagne ont sous la main le lait caillé, qui produit le même effet. Cette liqueur, lorsqu’on n’est pas obligé de garder trop long-temps la viande, est infiniment avantageuse, parce qu’elle n’en altère en rien la saveur. On a encore par-tout un moyen simple de rétablir les viandes qui commencent à se gâter ; il consiste à les faire bouillir avec un nouet de charbon, ou à plonger dans le bouillon qui les cuit un charbon ardent. Tout le monde sait également qu’en plongeant une croûte de pain bien grillée dans du beurre rance, on lui enlève l’odeur et la saveur désagréable qui lui sont particulières.