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dire, que l’art de planter ne consiste pas seulement à savoir faire un trou et à y placer un jeune arbre tout élevé, mais il demande aussi la connoissance des moyens de le dresser avant la plantation, et de la manière dont il faut le conduire lorsqu’il est planté.

Ces connoissances sont d’autant plus nécessaires aux propriétaires, que le nombre des bons planteurs est très-petit, et que, dans les localités éloignées des grandes villes, on se trouve presque toujours obligé d’en former. Et comment former de boas planteurs, si l’on ignore soi-même l’art de bien planter ? D’un autre côté, mieux on plante, et moins les plantations sont dispendieuses, parce que leur reprise étant plus assurée, on n’est pas obligé de recommencer.

L’arbre le mieux soigné n’exigera qu’une dépense de douze à trente sous, suivant les localités, à le prendre depuis son entrée en pépinière jusqu’au moment qu’on l’abandonne à la nature. Cet arbre, qui a coûté si peu à planter et à dresser, peut valoir, à sa maturité, de six francs à cinq cents francs, suivant son espèce, son âge, et sa position !

Ainsi, avec un sacrifice annuel de vingt-cinq à trente francs, on peut planter en vingt ans, cinq à six cents pieds d’arbres ; et, si on porte ce sacrifice à mille francs, on peut en planter vingt mille pendant le même temps. Avec ces sacrifices annuels, bien foibles sans doute pour l’homme aisé et l’homme riche, quelles ressources leur famille ne trouvera-t-elle pas dans ces plantations à leur maturité !

Ce grand avantage doit frapper tout propriétaire bon père de famille, et le déterminer à se livrer aux plantations. Il trouvera d’ailleurs une grande jouissance à faire travailler l’indigent, en améliorant ses propriétés, et à en augmenter la valeur, en contribuant à la prospérité de son pays. Car, il ne faut pas se le dissimuler, la disette des arbres est si grande en France, que chaque arbre qu’on plante doit y être regardé comme un bienfait. C’est le tribut que la patrie doit attendre de tout propriétaire aisé. Lui seul peut planter ; il ne sacrifiera à cet acte de patriotisme qu’une partie de son superflu, tandis que le pauvre y mettroit son nécessaire.


CHAPITRE III.

Travaux à faire pour empêcher les bestiaux d’entrer dans les bois, et les anticipations des cultivateurs riverains des bois, et pour faciliter les débouchés des forêts. Parmi ces travaux, il y en a qui doivent être exécutés aux frais des propriétaires, mais aussi il y en a d’autres qui doivent être à la charge du gouvernement. Ces derniers font partie des encouragemens que nous désirons lui voir accorder aux propriétaires de bois, pour les exciter à leur restauration.

Section Première. Travaux convenables pour empêcher les anticipations sur les bois, et les préserver de l’entrée des bestiaux. Pour empêcher les anticipations sur les bois, on se contente ordinairement de les entourer par des fossés de trois pieds de largeur, qui sont bien suffisans pour borner la propriété, mais qui sont trop faciles à franchir par les bestiaux, pour qu’elle ne soit pas habituellement exposée à leurs incursions ; et, comme nous le verrons dans la seconde partie de cet article, la dent des bestiaux est aussi pernicieuse pour les bois, que peuvent l’être les anticipations des cultivateurs riverains. On empêchera les unes et les autres en entourant les bois, sur leurs rives, par des fossés de cinq pieds de largeur avec une forte relevée du côté des bois.

Quant aux anticipations des riverains propriétaires de bois, un bornage contradictoire, avec de petits fossés de distance en distance, placés dans les en-