Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ressources, que le droit de pacage procure aux communautés usagères pour la nourriture de leurs bestiaux, le droit d’en abuser en broutant et détruisant les bois, (droit qu’on ne peut jamais leur avoir concédé) elles se réduisent à un bien foible pâturage de mauvaise qualité, dont il faudroit souvent cinquante arpens pour équivaloir au produit d’un bon arpent de prairie artificielle.

L’indemnité qui résultera de sa suppression, ne doit donc pas être considérable.

On pourroit y satisfaire dans chaque localité où ce droit est exercé, en abandonnant à chaque communauté usagère, et à sa proximité, une certaine quantité de terrain prise sur les parties des bois les plus dévastées, et proportionnée à la quantité de bestiaux que son droit, légalement exercé, pouvoit nourrir.

Au moyen de cette indemnité en nature, on ne doit plus craindre que la suppression du droit de pacage puisse entraîner la ruine des communautés usagères, ni le délaissement de leurs terres cultivées, ni même l’abandon de l’éducation des bestiaux, si d’ailleurs la localité est favorable à cette industrie agricole.

Au surplus, on compte en France environ soixante mille communes ; il y en a tout au plus quinze mille qui jouissent du droit de pacage. Les trois quarts des communes de la France sont donc privées de cet avantage ; leurs terres sont elles incultes ? Les terroirs de ces communes ne présentent-ils pas au contraire une population plus grande, des bestiaux plus nombreux, et sur-tout d’une plus belle espèce,[1] une agriculture mieux entendue, et des récoltes plus abondantes, que ceux des communes usagères ? On doit donc être convaincu que la suppression du droit de pacage ne produira aucune des suites fâcheuses que l’on craignoit, et que sans cette suppression la restauration des bois est impraticable. Il existe encore d’autres droits d’usage qui sont aussi des germes de destruction des bois, et dont la suppression est également commandée par les circonstances, sauf une juste et préalable indemnité envers les communautés qui en jouissent légitimement.

Le premier qui se présente est le droit d’essartage ou écobuage, qu’exercent depuis long-temps les communautés usagères de la Haute-Champagne, du pays de Liège et du Luxembourg, dans les coupes ordinaires des bois de ces pays. Cet usage est très-pernicieux ; il fait périr beaucoup de souches et une grande quantité de glands ; il éclaircit les bois, en diminue successivement le produit, et par cela même, menace d’une inaction future les nombreuses usines qu’ils alimentent.

Le second est l’abandon qu’on est dans l’usage de faire d’une certaine quantité d’arpens de bois que l’on affecte au service des usines, et qui est connu sous le nom d’affectations.

Les maîtres de forges ne voient, dans l’usage des bois qui leur sont affectés, que la faculté de se procurer, presque gratuitement, la quantité de charbon nécessaire à la consommation annuelle de leurs usines. Les bois sont mal exploités, parce qu’ils négligent tout ce qu’ils ne croient pas susceptible d’être converti en charbon ; ils sont dalleurs, en général, coupés dans un âge trop peu avancé ; et, si ces bois ont encore le malheur d’être grevés d’autres droits d’usage au profit des communautés envi-

  1. Il faut bien que l’usage du droit de pacage ne soit pas favorable aux bestiaux, car tous ceux qui vivent habituellement dans les bois n’offrent que des espèces dégénérées ; tels sont les chevaux et les vaches des Ardennes, du Luxembourg, etc.