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jamais, par les soins de celui qui le cultive, ni de la sécheresse, ni de la trop grande humidité. Cette règle exige cependant une exception. Certaines plantes demandent beaucoup plus d’eau que d’autres. Le céleri, par exemple, exige beaucoup d’arrosemens ; les ails & les oignons très-peu ; mais le premier ne doit pas être noyé, & le sol des seconds ne doit pas être aride. C’est donc de l’entretien d’une humidité convenable que dépend la bonne végétation.

Si un jardinier arrose par boutade, tantôt une planche, tantôt une autre, & néglige & laisse dessécher les tables voisines, il est sûr d’attirer dans celle qu’il vient de noyer, les taupes-grillons, nommés dans quelques endroits, courterolles, courtillières, les mulots, les taupes, les vers, les limaces, les escargots, & toute la légion des insectes destructeurs. Ces animaux cherchent la fraîcheur, les uns pour creuser plus commodément leurs routes souterraines, les autres pour dévorer les insectes enfouis dans la terre. Ceux-ci abandonnent l’herbe desséchée & flétrie, & se précipitent sur celle qui leur fournit une nourriture plus succulente & plus analogue à leur goût ou à leurs besoins ; ceux-là soulèvent la première couche de cette terre ramollie, s’enfoncent, y déposent leurs œufs, ou bien s’enterrent pour y subir une nouvelle métamorphose.

Il n’est pas possible de fixer le nombre des arrosemens, ni leur proportion ; c’est le climat qu’on habite, la chaleur qu’on y éprouve, le sol qu’on y travaille, la plante qu’on y cultive, &c. qui doivent le décider. Il est constant qu’un sol sablonneux en exige beaucoup plus qu’un terrain argileux ; (voyez le mot Argile) c’est au jardinier prudent & sage à les régler.

Les arrosemens trop fréquens nuisent beaucoup à la bonté des légumes. Aidés par la chaleur, ils poussent plus promptement, acquièrent plus de volume. Il en est ainsi des fruits ; mais c’est toujours aux dépens du goût & de la qualité. Aussi on dit avec raison que les légumes, les herbages, &c. que l’on mange dans les grandes villes, sentent l’eau & le fumier : peu importe au jardinier qui les a vendus ; il est payé, sa table est bien vite replantée de nouveau, & c’est tout ce qu’il demande.

3o. Avec quelle eau doit-on arroser ? L’eau peut être considérée relativement à son degré intrinsèque de chaleur, ou aux principes qu’elle contient.

1o. Du degré de chaleur de l’eau. On a beaucoup discuté si l’arrosement fait avec l’eau chaude ou l’eau tiède étoit avantageux ou nuisible. Le problême est résolu par lui-même, si on ne s’écarte pas de la loi de la nature. Plongeons la boule d’un thermomètre (voyez ce mot) dans une planche d’un jardin, à la profondeur de deux ou trois pouces. Au soleil levant d’un beau jour d’été, l’esprit-de-vin ou le mercure montrera le degré de chaleur de la terre, qui sera, je suppose, le degré dix-huit. Dans un endroit nullement abrité des rayons du soleil, à midi, le mercure sera à 20, à 22 ; à trois heures, à 24 ou 25 ; à sept heures du soir, à 19 ou à 20 ; enfin le lendemain à la même heure,