Page:Rugendas - Voyage pittoresque dans le Brésil, fascicule 18, trad Golbéry, 1827.djvu/8

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particulières pour un métier, on le lui fait apprendre, pour qu’il l’exerce un jour dans la plantation même : cela facilite en même temps le retour à la liberté, en créant à l’esclave un moyen d’acquérir, et cela assure son avenir.

Les filles se marient à quatorze ans, les hommes à dix-sept ou à dix-huit : ordinairement on favorise beaucoup les mariages. Les jeunes femmes prennent part aux travaux de la campagne, et l’on donne aux nouveaux mariés une petite quantité de terrain pour y construire leur cabane, et on leur accorde le droit de travailler pour leur propre compte à certains jours. Quand il arrive d’Afrique de nouveaux esclaves, on a grand soin de ne les pas faire travailler trop tôt, et cela est aussi profitable au maître qu’à l’esclave ; car il faut, en règle générale, six à huit mois avant que ces Nègres soient au fait des travaux les plus ordinaires. Les occupations domestiques et les métiers sont principalement confiés aux créoles : ce sont les Nègres nés au Brésil. Les esclaves sont mieux traités aussi dans les très-petites plantations que dans les grandes, parce que les travaux communs, la même nourriture, les mêmes délassemens, font à peu près disparaître toute différence entre eux et les maîtres. Souvent les esclaves des plantations envient le sort de ceux qui vivent dans les campos de l’intérieur du pays ; la principale affaire des habitans de ces campos étant l’éducation des bestiaux, on ne peut que rarement compter sur l’habileté et le courage des esclaves au point de leur abandonner le soin de pourvoir à cette affaire, comme on a coutume de la gouverner dans ces contrées. Il en arrive qu’on les emploie dans la maison et qu’on les charge seulement des occupations très-simples du ménage.

Une classe tout-à-fait séparée est celle des esclaves dont les maîtres s’occupent du transport des marchandises de la côte vers l’intérieur, et de l’intérieur vers la côte. Il est vrai que l’irrégularité du genre de vie de ces troperos les expose à des privations dont les esclaves des plantations sont mieux garantis ; mais d’un autre côté elle leur donne plus de liberté, et les met avec leurs maîtres sur le pied d’une sorte d’égalité, à raison de ce qu’ils supportent avec eux les difficultés et les inconvéniens du voyage.

Quand un esclave commet un crime, l’autorité publique se charge de le punir, ainsi que nous le verrons plus bas ; mais quand il se borne à exciter le mécontentement de son maître par son ivresse, sa paresse, son imprudence, ou par de petits larcins, celui-ci peut le punir selon qu’il lui semble bon. Il y a des lois, il est vrai, pour mettre en ceci des bornes à l’arbitraire et à la colère des maîtres : c’est ainsi qu’on a fixé le nombre de coups de fouet qu’il est permis de faire infliger à