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elle est exécutée au son de la mandoline par un ou deux couples : peut-être le Fandango ou le Bolero des Espagnols n’en est-il qu’une mutation perfectionnée.

Il arrive souvent que les Nègres se livrent à ces danses pendant des nuits entières sans interruption ; aussi choisissent-ils de préférence les samedis et les vielles de fêtes.

Il faut aussi parler ici d’une sorte de danse militaire : deux troupes armées de perches se placent en face l’une de l’autre, et l’habileté consiste pour chacun à éviter les coups de pointe que son adversaire lui porte. Les Nègres ont encore un autre jeu guerrier, beaucoup plus violent, le Jogar capoera : deux champions se précipitent l’un sur l’autre, et cherchent à frapper de leur tête la poitrine de l’adversaire qu’ils veulent renverser. C’est par des sauts de côté, ou par des parades également habiles qu’on échappe à l’attaque ; mais en s’élançant l’un contre l’autre, à peu près comme les boucs, ils se heurtent quelquefois fort rudement la tête : aussi voit-on souvent la plaisanterie faire place à la colère, si bien que les coups et même les couteaux ensanglantent ce jeu.

Mais une réjouissance à laquelle les Nègres attachent beaucoup de prix, c’est l’élection du roi de Congo. Nous ne pourrions en donner une meilleure description que celle qui se trouve dans l’excellent ouvrage de Koster sur le Brésil[1]. Qu’il nous soit donc permis de la transcrire textuellement : Au mois de Mai les Nègres célébrèrent la fête de Nossa Senhora do Rosario. C’est dans cette occasion qu’ils ont coutume d’élire le roi de Congo, ce qui a lieu quand celui qui était revêtu de cette dignité est mort dans l’année, quand une raison quelconque lui a fait donner sa démission, ou bien, ce qui arrive quelquefois, quand il a été détrôné par ses sujets. On permet aux Nègres du Congo de se donner un roi et une reine de leur nation, et ce choix peut tomber aussi bien sur un esclave que sur un affranchi. Ce prince exerce sur ses sujets une sorte de puissance qui prête beaucoup à rire aux Blancs ; elle se manifeste surtout dans les fêtes religieuses des Nègres, par exemple dans celle de leur patronne spéciale, Nossa Senhora do Rosario. Le Nègre qui occupait cette dignité dans le district d’Itamarca (car chaque district a son roi), voulait déposer sa couronne à cause de son grand âge, et pour cette raison l’on avait élu un nouveau roi, c’était un vieil esclave de la plantation Amparo ; mais la vieille reine n’avait pas l’intention d’abdiquer : elle demeura donc en possession de sa dignité.

Le Nègre qui devait être couronné dans la journée, vint de bon matin chez le

  1. De tous les ouvrages qui ont paru sur le Brésil, il n’y en a aucun qui l’emporte sur celui de Koster par sa richesse en excellentes observations sur les mœurs et l’état de la socièté.