Page:Rugendas - Voyage pittoresque dans le Brésil, fascicule 3, trad Golbéry, 1827.djvu/5

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pourrait établir encore sur beaucoup d’autres points, dut faire une grande impression sur les premiers Portugais qui s’établirent en ce lieu.

La route qui va de Porto-de-Estrella à Minas passe devant beaucoup de belles plantations, derrière lesquelles on aperçoit dans le lointain les pointes anguleuses de la Serra-dos-Orgaos, s’élevant au-dessus de la Serra-de-Estrella, dont l’escarpement est toujours encore l’effroi des tropeiros et le tourment des mulets, quoiqu’une large route, construite et pavée à grands frais, y ait été établie : en plusieurs endroits elle offre l’aspect d’une immense muraille, large de dix pieds.

D’après cette position, il n’y a pas lieu de s’étonner que Porto-de-Estrella soit à la fois très-animé et très-industriel. Tous les étrangers, et surtout les peintres, feront bien de le visiter, quand même leur chemin ou leurs affaires ne les y conduiraient pas. C’est un lieu de réunion pour les hommes de toutes les provinces de l’intérieur ; il y en vient de toutes les conditions : on y remarque leurs costumes originaux et leur bruyante activité. C’est ici que l’on organise les caravanes qui partent pour l’intérieur, et c’est ici seulement que commencent pour l’Européen les véritables mœurs du Brésil ; il faut souvent qu’il y prenne congé pour longtemps de toutes les aisances de la vie européenne et de tous ses préjugés. Nous ne trouverions dans cet ouvrage nul endroit plus favorable de communiquer à nos lecteurs quelques observations générales sur la manière dont on voyage au Brésil ; de la sorte nous ajouterons quelques traits et quelques nuances à l’image que nous nous efforçons de présenter pour faire connaître cette contrée.

Au Brésil, le seul moyen de transport pour les hommes, comme pour les marchandises, est dû aux chevaux et aux mulets : dans l’état actuel des communications et des chemins on ne peut songer à l’emploi des voitures ; c’est tout au plus si quelques dames de distinction se font porter dans des litières, néanmoins elles voyagent fort rarement. On doit donc conseiller très-sérieusement à quiconque veut visiter le Brésil ou toute autre partie de l’Amérique méridionale, d’apprendre à monter à cheval avant de quitter l’Europe. Quoique les Brésiliens ne soient pas des Centaures nés, comme les habitans des Pampas de Colombie et des Leanos de Buénos-Ayres, les savans les plus estimables et les naturalistes qui parcourent le Brésil, s’ils négligeaient de suivre cette règle de conduite, qui, au premier abord, a quelque chose de singulier, se trouveraient souvent en telle position qu’ils n’auraient que fort peu de choix entre le ridicule et le danger. Le voyageur isolé peut bien pour un petit trajet louer un ou plusieurs mulets, et se joindre à une tropa régulièrement organisée ; mais pour un voyage de long cours, surtout quand il y a nombreuse société