Page:Rugendas - Voyage pittoresque dans le Brésil, fascicule 7, trad Golbéry, 1827.djvu/9

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à ces dernières, les Indiens, pour mieux assurer leur subsistance, les cultivaient autour de leurs huttes ; toutefois les moissons semblent avoir été recueillies en commun, et les jésuites ont conservé cet usage. Souvent ces sortes de villages étaient protégés contre les incursions de l’ennemi par des palissades et par des fossés. L’arc, la flèche et la massue étaient les armes dont on se servait : les riverains faisaient aussi la guerre sur des canots et des radeaux. L’organisation civile était dans son enfance ; mais déjà on distinguait chez ces peuples un pouvoir spirituel et un pouvoir temporel ; le premier était au-dessus de l’autre et par l’influence morale et par une prééminence intellectuelle : ces différences étaient plus prononcées, plus distinctes que cela n’eût été possible chez un peuple uniquement composé de chasseurs, plus même quelles ne le sont aujourd’hui. L’influence des prêtres chez les Tupis recèle peut-être en elle-même le germe de la théocratie des incas du Pérou et de celle des jésuites du Paraguay.

Les traits principaux que nous rassemblons ici, sont confirmés par tous les témoins oculaires : ils prouvent un commencement de civilisation, dont l’existence ne peut être réfutée ni par les idées brutes des Indiens en fait de religion, ni par leur cruauté, ni par leur qualité d’anthropophages. Il est évident que, si l’on voulait obtenir des résultats importans pour les colonies européennes, il fallait leur laisser suivre la route dans laquelle ils étaient entrés, ou même les y guider. Toutefois cette route est hérissée de difficultés, et il serait injuste d’accuser les Portugais seuls du mauvais succès de l’entreprise, ou bien de leur reprocher de l’avoir trop rarement tentée. Il serait aussi impossible que superflu de rechercher quelle fut la cause des premières hostilités : il suffit de savoir que des deux parts, et sur tous les points, on vit s’allumer promptement une guerre d’extermination, dont l’issue fut l’extinction de la plus grande partie des habitans, et souvent même la disparition de leur nom. Ce qui survécut au carnage, fut ou réduit en esclavage ou contraint de se sauver dans les bois ; et là on revint à peu près à l’état d’où l’on était sorti peu avant l’arrivée des Européens.

La faiblesse des habitans primitifs et les forces toujours croissantes des Européens d’une part, et de l’autre les progrès de la civilisation parmi les colons mêmes, l’adoucissement de leurs mœurs, enfin quelques mesures sages et bienveillantes dues au gouvernement, ont fait cesser cet état violent, et peu à peu ces causes ont amené les Indiens à leur position actuelle. Comme nous reviendrons sur ce sujet, nous nous contenterons ici de l’indiquer en peu de mots. Les anciens esclaves des colons et leurs descendans sont libres, et forment une partie de la classe inférieure de la société : ils