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de l’industrie. Elles touchent plus ou moins tous les grands intérêts de l’Europe et même ceux des nations qui n’y participent point immédiatement. Quel est l’état, on pourrait dire quelle est la famille, quel est l’individu en Europe qui ne soit pas, d’une manière ou d’une autre, soumis à l’immense cercle d’action de commerce anglais et au système industriel ? Ses changemens et ses crises exercent dans leurs diverses agitations et dans leur réaction une influence marquée sur les points les plus éloignés de la circonférence. Combien est important dans ce cercle d’industrie le sort de l’Afrique et de ses noirs enfans ! Qu’il nous soit permis, en indiquant brièvement cet enchaînement de causes et d’effets, de gagner l’intérêt de nos lecteurs pour les physionomies africaines que nous leur soumettons.

Quel est l’état actuel des Nègres en Afrique ? Quels ont été les changemens et les époques qui l’ont modifié, puis amené au point où il est maintenant ? Ce sont là sans contredit des questions de la plus haute importance, non-seulement pour le savant, mais encore pour l’homme d’État ; une solution satisfaisante permettrait d’en conclure quelque chose de vraisemblable sur la marche que prendra la civilisation en Afrique, contrée que, bon gré mal gré, il faut de plus en plus faire entrer dans les calculs de la politique européenne. Les connaissances que nous possédons aujourd’hui sur l’Afrique, sur ses habitans et sur son histoire, sont beaucoup trop incomplètes, malgré les peines que se sont données les voyageurs anglais, pour qu’il soit possible de répondre d’une manière satisfaisante à ces questions. Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons dans ces cahiers en faire même le simple essai.

En général, ce qui paraît certain, c’est qu’il n’y a pas à présent une seule des tribus de Nègres qui habitent l’Afrique, qui soit restée dans l’état sauvage, si toutefois l’on veut appliquer ce mot au premier degré de civilisation connu, à celui qu’on remarque chez les habitans primitifs du Brésil ; et même les tribus les plus grossières de Noirs vivent sous l’empire des formes et des usages qui constituent des sociétés civilisées ; on trouve chez eux des chefs dont l’autorité est reconnue, des lois, des différences de castes, des hommes libres et des esclaves, des grands et des petits, enfin des prêtres et des laïques, toutes choses qui sont les conséquences nécessaires de ces formes de la vie sociale. On aperçoit à la tête de la civilisation africaine de puissans empires, des cités populeuses, où se présentent tous les besoins et toutes les jouissances amenées par la splendeur du chef, de sa suite et de son armée, et qu’un commerce étendu peut seul satisfaire. On ne manque pas non plus de dispositions légales propres à régler cette masse de possessions et d’intérêts ; enfin, les institutions religieuses, capables de consolider les lois elles-mêmes, existent aussi chez