Page:Ruskin - La Bible d’Amiens.djvu/110

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tandis que le train s’éloigne lentement de la gare. Il verra d’abord, et sans aucun doute avec l’admiration respectueuse qu’un Anglais est obligé d’accorder à de tels spectacles, les hangars à charbons et les remises pour les wagons de la station elle-même, s’étendant dans leurs cendreuses et huileuses splendeurs pendant à peu près un quart de mille hors de la cité ; et puis, juste au moment où le train reprend toute sa vitesse, sous une cheminée en forme de tour dont il ne peut guère voir que le sommet, mais par l’ombre épaisse de la fumée de laquelle il sera enveloppé, il pourra voir, s’il veut risquer sa tête intelligente hors de la portière et regarder en arrière, cinquante ou cinquante et une (je ne suis pas sûr de mon compte à une unité près) cheminées semblables, toutes fumant de même, toutes pourvues des mêmes ouvrages oblongs, de murs en brique brune avec d’innombrables embrasures de fenêtres noires et carrées. Mais, au milieu de ces cinquante choses élevées qui fument, il en verra une, un peu plus élevée que toutes, et plus délicate, qui ne fume pas[1] ; et au milieu de ces cinquante amas de murs nus enfermant des « travaux » et sans doute des travaux profitables et honorables pour la France et pour le monde, il verra un amas de murs non pas nus mais étrangement travaillés par les mains d’hommes insensés d’il y a bien longtemps dans le but d’enfermer ou de produire non pas un travail profitable en quoi que ce soit mais un : « Là est l’œuvre de Dieu ; afin que vous croyiez en Celui qu’Il a envoyé[2]. »

  1. « Vos cheminées d’usines, combien plus hautes et plus aimées que les flèches des cathédrales » (Crown of wild olive, XIe Conférence). — (Note du Traducteur.)
  2. Saint Jean, vi, 29. — (Note du Traducteur.)