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Page:Ruskin - La Bible d’Amiens.djvu/221

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Un jeune homme de dix-huit ans qui avait été bien commencé dans tous les établissements d’études clas-

    appris à représenter qu’un mouvement lent et digne, et ce n’est que cinquante ans plus tard, sous l’influence classique, que vint la puissance impétueuse de Véronèse et du Tintoret.

    « Mais il y a beaucoup de questions bien plus profondes à se poser relativement à ce sujet de saint Jérôme que celle de l’habileté artistique. Le tableau, en effet, est une raillerie ; mais n’est-ce qu’une raillerie ? La tradition elle-même est-elle une raillerie ? ou est-ce seulement par notre faute, et peut-être par celle de Carpaccio, que nous la faisons telle ?

    « En tous cas, veuillez, en premier lieu, vous souvenir que Carpaccio, comme je vous l’ai souvent dit, n’est pas responsable lui-même en cette circonstance. Il commence par se préoccuper de son sujet, comptant, sans aucun doute, l’exécuter très sérieusement. Mais son esprit n’est pas plus tôt fixé dessus que la vision s’en présente à lui comme une plaisanterie et il est forcé de le peindre ainsi. Forcé par les destins… C’est à Atropos et non à Carpaccio que nous devons demander pourquoi ce tableau nous fait rire ; et pourquoi la tradition qu’il rappelle nous paraît purement chimérique et n’est plus qu’un objet de risée. Maintenant que ma vie touche à son déclin il n’est pas un jour qui ne passe sans avoir augmenté mes doutes sur le bien fondé des mépris où nous nous complaisons et mon désir anxieux de découvrir ce qu’il y avait à la racine des récits des hommes de bien, qui sont maintenant la fortune du moqueur.

    « Et j’ai besoin de lire une bonne Vie de saint Jérôme. Et si je vais chez M. Ongania je trouverai, je suppose, l’autobiographie de George Sand, et la vie de M. Sterling peut-être ; et de M. Werner, écrit par mon propre maître et qu’en effet j’ai lu, mais j’oublie maintenant qui furent soit M. Sterling ou M. Werner ; et aussi peut-être j’y trouverai dans la littérature religieuse la vie de M. Wilberforce et de Mrs Fry ; mais non le plus petit renseignement sur saint Jérôme. Auquel néanmoins, toute la charité de George Sand, et toute l’ingénuité de M. Sterling, et toute la bienfaisance de M. Wilberforce, et une grande quantité, sans que nous le sachions, du bonheur quotidien et de la paix de nos propres petites vies de chaque jour, sont véritablement redevables, comme à une charmante vieille paire de lunettes spirituelles sans lesquelles nous n’eussions jamais lu un mot de la Bible protestante. Il est, toutefois, inutile de commencer une vie de saint Jérôme à présent, et de peu d’utilité pourtant de regarder ces tableaux sans avoir une vie de saint Jérôme, mais il