Page:Ruskin - Les Lys du jardin de la reine.djvu/27

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laquelle il ne saurait se confier, et dont les ordres suppliants pourraient faire hésiter son obéissance.

65. Mais je ne veux, par aucun argument, insister davantage sur ce point. Je pense qu’il faut s’en remettre à votre savoir de déterminer ce qui fut, et à votre cœur de sentir ce qui devrait être. Vous ne pensez pas, certainement, que l’armure du chevalier agrafée par les mains de sa dame fût le pur caprice d’une mode romantique. C’est l’emblème d’une vérité éternelle. L’armure de l’âme n’est jamais bien ajustée au cœur si une main de femme ne l’a bouclée ; c’est seulement aussi lorsqu’elle l’a bouclée lâchement que l’homme perd l’honneur. Ne connaissez-vous pas ces vers charmants ? Je les voudrais voir appris par toutes les jeunes filles d’Angleterre :

« Ah ! la femme prodigue ! Elle qui pourrait sur sa douce personne mettre son prix, sachant bien que lui n’a d’autre choix que payer, comment a-t-elle vendu le Paradis au rabais ? Comment a-t-elle donné pour rien son don sans prix ? Comment a-t-elle gaspillé le pain et répandu le vin, qui, dépensés chacun avec une juste économie, eussent transformé les brutes en hommes, et les hommes en dieux[1] ? »

  1. Coventry Palmore. — Vous ne sauriez le lire trop souvent ou avec trop de soin. Autant que je sache, il est le seul poète actuellement vivant qui toujours nous rende plus forts et plus purs ; les autres assombrissent quelquefois et presque toujours dépriment l’imagination qu’ils saisissent.