Page:Ruskin - Les Lys du jardin de la reine.djvu/35

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étranger et comprendre la douceur de la langue d’un étranger. Il n’est nullement important pour sa valeur ou sa dignité propres qu’elle soit familière avec telle science ou telle autre ; mais il l’est infiniment qu’elle soit élevée dans des habitudes de pensée exactes, qu’elle comprenne ce que veulent dire, comme sont inévitables et aimables les lois naturelles. Je veux qu’elle suive au moins l’un des sentiers des recherches scientifiques jusqu’au seuil de cette amère Vallée d’Humiliation dans laquelle peuvent seuls descendre les plus sages et les plus braves parmi les hommes, se tenant eux-mêmes pour de perpétuels enfants ramassant des galets sur un rivage illimité. Il est de chétive conséquence de savoir combien de positions de villes elle connaîtra, de dates d’événements ou de noms de personnages célèbres — l’objet de l’instruction n’est point de convertir la femme en un dictionnaire ; — mais il est profondément nécessaire qu’on lui ait appris à pénétrer avec sa personnalité entière dans l’histoire qu’elle lit ; à s’en peindre les passages avec toute leur vie, à l’aide de sa brillante imagination ; à saisir avec son instinct délicat le pathétique des circonstances et le dramatique des relations, que l’historien, trop souvent, éclipse par ses raisonnements ou disjoint par son arrangement. Son effort à elle, est de suivre à la trace l’équité voilée des récompenses divines, et d’apercevoir à travers l’obscurité le fatal fil de feu qui lie ensemble l’erreur avec la rétribution.

Mais surtout, on devra lui enseigner à étendre les