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APPENDICE


I

UNE LETTRE

de la femme de Thomas Carlyle


Combien de talents sont gaspillés, combien d’enthousiasmes s’en vont en fumée, combien de vies sont gâtées faute d’un peu de patience et de résignation, faute d’avoir compris et senti que ce n’est pas la grandeur ou la petitesse de la tâche à accomplir qui en fait la noblesse ou la vulgarité, mais l’esprit dans lequel on l’accomplit ! Je n’imagine pas comment des gens doués de quelque ambition naturelle ou ayant le sentiment d’avoir quelque valeur peuvent éviter de devenir fous, dans un monde comme le nôtre, s’ils ne se rendent pas compte de cela. Je sais que, pour ma part, j’étais très près de devenir folle quand j’ai fait cette découverte.

Vous raconterai-je comment je l’ai faite ? Cela pourra vous servir de réconfortant dans de semblables moments de fatigue et de dégoût. J’étais allée avec mon mari habiter une petite propriété toute en marais tourbeux. C’était un endroit très triste et un séjour fort maussade. À seize milles à la ronde on ne trouvait