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II

UNE LETTRE

de la femme du président Garfield


Je suis heureuse de vous dire qu’après les fatigues et les désappointements de l’été qui vient de se clore, je me trouve dans la position heureuse d’un vainqueur ; le silence qui a suivi votre départ a contribué à assurer à mon âme un triomphe. Il y a quelques jours que je lus la sentence suivante ou à peu près : Il n’y a pas de pensée saine sans travail manuel, et c’est la pensée qui rend le travail heureux. Peut-être est-ce là la méthode d’après laquelle je suis parvenue à monter à une position que je sens être un vrai progrès. Cette pensée me traversa comme un trait de lumière ; c’était un matin, tandis que j’étais occupée à pétrir mon pain. Je me dis : Te voilà donc obligée, par une inévitable nécessité, à faire notre pain pendant tout l’été. Pourquoi ne considérais-tu pas cette obligation comme un plaisir et ne trouverais-tu pas ta joie à voir jusqu’à quel degré de perfection tu peux pousser la fabrication du pain ? Ce fut là pour moi un véritable trait de lumière ! toute ma vie sembla s’illuminer ; j’eusse dit qu’un rayon de soleil descendait du ciel, traversait mon esprit et se répandait dans mes miches de pain blanc ? et maintenant, je crois que ma