Page:Ruskin - Les Lys du jardin de la reine.djvu/68

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table est fournie du pain le plus beau que j’y aie jamais vu ; et cette vérité, ancienne comme la création, me semble être entrée maintenant pour la première fois dans ma possession ; j’ai compris que je ne devais pas être l’esclave gémissant de mes travaux et de mes efforts, mais le maître et le roi, obligeant chaque œuvre de me livrer ses fruits les meilleurs possibles. Quant à vous, vous avez été dès longtemps roi de vos œuvres, et vous rirez peut-être et vous vous étonnerez que j’aie vécu si longtemps sans ma couronne ; mais je suis si heureuse de ma découverte que même vos sourires ne sauraient me déconcerter. Je me demande si là n’est pas, en tout ou en partie, le véritable mal qui est au fond de toutes les lamentations de ceux qui demandent le suffrage pour les femmes. La femme élevée de travers regarde ses devoirs comme une disgrâce, tremble sous leur joug et cherche à les secouer quand elle peut. Elle voit l’homme marcher d’un pas triomphant aux occupations de son sexe, et s’imagine que c’est la nature de son travail qui donne à l’homme sa grandeur et sa royauté, tandis que c’est la manière dont il les accomplit et l’esprit dans lequel il le fait. »

Extrait du Journal Le Témoignage, 24 septembre 1886.