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Page:Ruskin - Les Matins à Florence.djvu/22

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concevoir pour qui la voit maintenant. Un grand trait de sa physionomie était l’avenue de magnifiques cyprès et de lauriers qui montait sans interruption de la Porta Romana à Bellosguardo, de laquelle hauteur on pouvait alors se diriger par des sentiers d’oliviers ou de petits vignobles ruraux à San Miniato qui se tenait désert, mais non ruiné, avec une étroite prairie d’herbage parfumé devant lui et de délicieuses mauvaises herbes sauvages autour de ses perrons, le tout fermé par une haie de roses. De la longue chaussée montant entre des cyprès moins grands que ceux de la Porte romaine, on avait la vue la plus admirable qui se puisse rêver du Dôme, des arbres de Cascine, et du cours de l’Arno vers le soleil couchant.

Dans la ville elle-même, les monastères étaient encore habités par la prière et les besognes utiles, et, dans la plupart d’entre eux, comme parmi les Franciscains de Fiesole, il me fut bientôt permis d’aller partout où je voulais et de dessiner tout ce qui me faisait plaisir. Mais mon temps se passait principalement dans la sacristie et le chœur de Santa Maria Novella, dans la sacristie de Santa Croce, et dans le couloir supérieur de San Marco. À l’Académie, j’étudiai seulement les Angelicos, car Lippi et Botticelli étaient encore bien loin de moi ; mais les Ghirlandajos, dans le chœur de Sainte-Marie-Nouvelle, avec leur large masse de couleurs, s’accordaient avec les lois que j’avais apprises à Venise, tandis qu’ils m’enseignaient, de plus, les belles personnalités de la race florentine et de son art. À Venise, on reconnaît un pêcheur à son filet et un saint à son auréole. Mais à Florence un ange ou un prophète, un chevalier ou un ermite, une jeune fille ou une déesse, un prince ou un paysan ne peuvent être que ce qu’ils sont, quelqu’accoutrement que vous leur donniez.