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Page:Ruskin - Les Matins à Florence.djvu/30

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de traduire abstraitement ses idées religieuses, peut-être ne lui auraient-elles pas survécu ; mais il a fait mieux et plus que cela. Au hasard de ses observations et de ses études, alors que la technique seule de l’œuvre semblait le préoccuper, il est parvenu, presque inconsciemment, à jeter les bases d’une nouvelle conception de l’art et de la vie. Portant en lui son idéal, le vivant en quelque sorte, il a su découvrir le reflet de sa pensée en certaines œuvres, et il les a laissé parler pour lui, sans s’exposer aux dangers d’une profession de foi. Ses croyances sont bien plus que le fruit de ses réflexions personnelles ; elles lui semblent pourtant uniquement inspirées par les artistes qu’il étudie. Ce ne sont pas des observations qu’il fait, ce sont des exemples qu’il prend. Il est peut-être permis de penser qu’il aurait pu mieux les choisir, mais il serait vain de combattre son opinion par la critique des exemples sur lesquels elle s’appuie ; ce serait bien souvent chercher une cause là où il n’y a qu’un prétexte.

En vrai artisan, en vrai dessinateur, Ruskin tend à rapprocher, tout d’abord, la technique payenne de la technique chrétienne. D’après lui, l’avènement du Christianisme n’a pas bouleversé les formes de l’art ; celles-ci dépendent d’un principe plus fondamental, plus invétéré et plus tenace que toute religion, que toute philosophie : l’esprit national ou populaire, le caractère de race façonné, au cours des siècles, par la vie en commun sur un même sol, sous un même climat, à l’aide des mêmes ressources.

Vous vous souviendrez de cette remarque en lisant, dans Devant le Soudan, la description de la chapelle Bardi. Après avoir comparé la décoration de cette chapelle gothique à celle d’un vase grec, et après avoir montré que, dans l’un et l’autre cas, le décorateur doit obéir aux mêmes nécessités esthétiques, Ruskin affirme que « Giotto était un pur Étrusque-Grec du xiiie siècle, adorant, il est vrai, saint François au lieu d’Hercule, mais, pour tout ce qui concerne la décoration des vases, étant resté l’Étrusque d’autrefois… Cette chapelle ne doit vous représenter qu’un grand et splen-