Page:Ruskin - Les Matins à Florence.djvu/37

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Lombard — » qui « se complaît à la chasse, aux combats », vivant mais brutal ; d’autre part, « l’art contemplatif — Byzantin — qui contemple les mystères de la foi Chrétienne », religieux, mais figé en des formules mortes. La sage et saine Florence « accueillit les bonnes influences, comme le sol fertile reçoit la bonne semence », mais « fut stérile comme le roc de Fiesole aux actions néfastes. Elle orienta l’activité des hommes du Nord vers les arts de la paix, réchauffa les rêves Byzantins au feu de la Charité. Enfant de sa paix et interprète de son ardeur, son Cimabue révéla à l’Humanité le sens de la naissance du Christ ». Giotto fait encore davantage : « Il réconcilie, en les intensifiant, les vertus de l’idéal domestique » — actif, payen — « et de l’idéal, monastique » — passif, chrétien. « Il définit, il commente, il exalte chaque incident attendrissant de la vie humaine; et, d’autre part, il nous fait aimer, au cours de notre vie journalière, chaque rêve mystique éclos dans les esprits plus élevés que le nôtre[1] ».

On pourrait, il est vrai, faire à cet exposé certaines critiques de fait ; on pourrait faire observer, par exemple, que Ruskin néglige trop l’influence exercée, sur l’art primitif toscan, par les mosaïstes romains du xiiie siècle. Mais c’est l’interprétation seule qui importe ici et la conception géniale de l’art et de la vie qui l’a dictée. Ainsi donc, à la faveur des ressources inépuisables d’un art et d’une sagesse populaire, la religion active peut s’allier à la religion contemplative, l’amour de la vie à l’ascétisme et — dans un sens général — le Paganisme au Christianisme. C’est Giotto qui nous l’affirme, et son sincère témoignage nous en dit plus long, sur l’esprit de son temps, que l’étude la plus approfondie des sources historiques.

Cette foi en la sincérité de l’artiste est, en effet, à la base de toutes ces considérations. On ne peut dégager la philosophie d’une œuvre que si l’artiste y a traduit son rêve, en toute simplicité, en toute honnêteté. Cimabue peignit la Madone

  1. La Porte d’Or, § 35-38.