Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/159

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l'attention du sujet choisi ; elles présentaient au fidèle, à chaque halte dans son acte d'adoration, les scènes dont il espérait la réalisation, les Esprits dont il invoquait la présence. Il faut qu'un homme soit rebelle à toute émotion religieuse pour ne pas se sentir frappé de respect devant les formes pâles et funèbres qui hantent les obscurs plafonds des baptistères de Parme et de Florence ou pour rester impassible lorsqu'il sent descendre sur lui, du haut des sombres voûtes dorées de Venise et de Pise, le regard des colossales images des Apôtres et de Celui qui les envoya.

Je vais maintenant étudier la suite des sujets dans les mosaïques de Saint-Marc afin d'établir une comparaison entre les sentiments des constructeurs de cette église et l'usage qu'en firent ceux pour qui elle fut édifiée.

Il faut noter d'abord une circonstance qui, dès le début, nous signale une notable différence entre l'ancien temps et le moderne : nos yeux sont habitués à lire au point d'en être las, et si une inscription gravée sur un monument ne nous offre pas des caractères gros et clairs, nous ne nous fatiguerons guère à la déchiffrer. Mais l'ancien architecte était assuré d'avoir des lecteurs ; il savait que tout le monde déchiffrerait ce qu'il écrivait, que tous seraient heureux de posséder les pages voûtées de son manuscrit de pierre et que, plus il en offrirait, plus on lui en serait reconnaissant. Donc en entrant à Saint-Marc, il faut nous résoudre à prendre la peine de lire tout ce qui y a été inscrit, sous peine de ne pouvoir pénétrer les sentiments de l'architecte et ceux de son époque.

Un vaste portique forme, de chaque côté de l'église, un espace qui était spécialement réservé aux personnes