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gothiques. Avec la Porta della Carta, 1413, le mal atteint son apogée.


Contre le Gothique dégradé se ruèrent les armées de la Renaissance qui, dès leur premier assaut, réclamèrent la perfection universelle. Pour la première fois depuis la destruction de Rome, le monde avait vu, dans l’œuvre des plus grands artistes du XVe siècle, — dans les peintures de Ghirlandajo, de Masaccio, de Francia, de Pérugin, de Pinturicchio et de Bellini ; — dans les sculptures de Mino da Fiesole, de Ghiberti et de Verocchio — une perfection d’exécution et une profondeur de savoir qui rejetaient dans l’ombre tout l’art précédent et qui, étant unies, dans l’œuvre de ces hommes, à tout ce qu’il y avait de grand dans les œuvres primitives, justifièrent l’immense enthousiasme qui accueillit leurs efforts. Mais, quand cette perfection se fut montrée d’un côté, on l’exigea de tous les autres. Le monde ne pouvait plus être satisfait par une exécution moins exquise ou par un savoir moins complet : les hommes, oubliant qu’il est possible d’achever des œuvres méprisables et d’apprendre des choses inutiles, voulurent retrouver partout une main-d’œuvre achevée et savante. En exigeant impérieusement une grande habileté d’exécution, ils négligèrent peu à peu d’exprimer la tendresse du sentiment ; en exigeant impérieusement un savoir précis, ils négligèrent peu à peu de réclamer l’originalité de la pensée ; ce sentiment et cette pensée dédaignés s’éloignèrent d’eux et les laissèrent se féliciter, en toute liberté, de leur médiocre science et de l’habileté de leurs doigts.

Tel est l’historique de la première attaque portée par la Renaissance aux Écoles gothiques et de ses rapides résultats. Ils furent plus fatals à l’architecture qu’à tout autre art ; parce que la demande de perfection était, là,