Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/219

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moins raisonnable, n’étant pas proportionnée aux capacités de l’ouvrier ; elle était, de plus, opposée à la rudesse sauvage dont dépendait en grande partie — nous l’avons dit — la noblesse des anciennes Écoles. Mais, comme les innovations étaient fondées sur quelques-uns des plus beaux modèles d’art et avaient, à leur tête, quelques-uns des plus grands hommes que le monde eût jamais vus ; comme, d’autre part, le Gothique qu’elles attaquaient était corrompu et avait perdu sa valeur, la première apparition de la Renaissance fut saluée comme un mouvement salutaire. Une énergie nouvelle prit la place de la lassitude inintelligente qui avait atteint l’esprit gothique ; un goût exquis, raffiné, appuyé sur des connaissances étendues, donna naissance aux premiers modèles de la nouvelle École et, dans toute l’Italie, s’éleva un nouveau style, celui qu’on appela « cimque cento » qui produisit les plus nobles maîtres à la tête desquels sont Michel-Ange, Raphaël et Léonard, mais qui ne réussit pas de même en architecture, parce que la perfection y est impossible : il y réussit d’autant moins que l’enthousiasme classique avait proscrit les meilleurs types architecturaux.


Il est à observer combien le principe de la Renaissance réclamant la perfection universelle, est distinct du principe de la Renaissance réclamant les formes classiques et romaines de la perfection. Si j’avais la possibilité de développer ce sujet, je voudrais me rendre compte de ce qu’eût été l’art européen si, au XVe siècle, on n’eût découvert aucun manuscrit d’auteurs classiques et si aucun vestige d’architecture classique n’eût survécu, de telle sorte que la perfection d’exécution à laquelle, pendant cinquante ans, avaient tendu tous les efforts de tous les grands hommes et qu’on avait enfin atteinte, eût pu se développer dans son génie personnel en s’unissant aux