Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/284

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celle des rideaux augmente. Chez les Pisans, les rideaux avaient été introduits pour motiver les anges ; chez les sculpteurs de la Renaissance, les anges ne servent plus qu’à motiver les rideaux, de plus en plus amples et travaillés. Dans le monument de Mocenigo, ils deviennent une tente soutenue par une perche, et dans celui de Foscari les anges sont absents, tandis que les rideaux sont drapés comme dans une grande tente française ; ils sont soutenus par deux statuettes portant l’armure romaine, substituées aux anges pour permettre au sculpteur de montrer ses connaissances du costume classique. Et voyez comme un défaut de sentiment conduit à une faute de style : la place des anges absents est occupée par des Vertus, et alors pour faire atteindre aux petits soldats romains la hauteur nécessaire, on a placé pour chacun d’eux, un pilier corinthien dont la colonne a onze pieds de haut et trois ou quatre de large, et, sa hauteur étant encore insuffisante, ce pilier est placé sur un piédestal haut de quatre pieds et demi, qui a lui-même une base à éperons, un grand chapiteau, un immense corbeau au-dessus du chapiteau et un autre piédestal sur le corbeau : en haut de toutes ces superpositions, se dressent les minuscules figures chargées de supporter les rideaux. Sous le dais, autour de la statue couchée, la Vierge et les Saints ont disparu. Ils sont remplacés par la Foi, l’Espérance et la Charité (grandeur demi-nature), pendant que la Tempérance et la Fortitude sont aux pieds du Doge. La Justice et la Prudence, qui sont à sa tète, (grandeur nature) ne sont reconnaissables qu’à leurs attributs. Et toutes ces statues, à l’exception de l'Espérance qui lève les yeux, ne diffèrent ni de caractère, ni d’expression : ce sont de belles Vénitiennes richement vêtues et convenablement placées dans des attitudes bonnes à être vues d'en bas. La Fortitude ne pouvait être