Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/300

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D’un côté, était la foi ravivée, tenant la Bible ouverte dans sa main droite, sa main gauche levée vers le ciel qu’elle appelait en témoignage ; de l’autre, étaient ou paraissaient être toutes les coutumes aimées, les traditions admises, tout ce qui, depuis quinze cents ans, avait pénétré dans le cœur de l’homme, lui apportant un précieux secours : légendes longuement accréditées ; pouvoir longuement respecté ; discipline longuement pratiquée. — Foi qui avait guidé la vie et scellé le départ d’innombrables âmes ; prières qui, de la bouche du père à celle de l’enfant, avaient distillé leurs ondes bienfaisantes, ondes semblables à celles de ces cascades qui résonnent dans le silence des temps, se transformant en une poussière d’eau qui monte jusqu'au ciel d’où elle retombe sur les pâturages incultes ; — Espérance, qui, au milieu des tortures, avait donné aux visages l’impassibilité de la pierre, qui avait transformé l’épée en flamme pendant les combats ; qui avait dévoilé le but de la vie et dirigé sa force ; illuminé les derniers regards et inspiré les dernières paroles des mourants ; — Charité qui avait uni les communautés des montagnes et du désert et forgé des chaînes de pitié, des aspirations de communion entre le monde et l’impénétrable qui l’entoure ; et, plus que tout cela, les esprits des innombrables morts qui, n’ayant pas connu le doute, indiquaient la ligne qu’ils avaient été heureux de suivre et qui leur avait apporté la paix. Tout cela était de l’autre côté, et le choix qui eût toujours été douloureux était rendu dix fois plus douloureux encore par l’animosité naturelle, mais coupable, que chaque partie de l’Église ressentait contre l'autre.


D’un côté, cette animosité était inévitable. Le parti romain comptait, dans le nombre des chrétiens qui le formaient, les pires parmi ceux qui réclamaient ce titre,