Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/301

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et tandis qu’il gardait encore nombre de croyants, gens simples, ignorant la corruption du corps auquel ils appartenaient, incapables d’accepter des doctrines autres que celles dont avait été nourrie leur enfance ; il réunissait, à leurs côtés, tous les appétits charnels et sensuels du peuple et du clergé, tous les amoureux du bien-être et du pouvoir. Et la rage de tous ces gens ne pouvait qu’être immense contre ceux qui discutaient leur autorité, leur reprochant leur genre de vie et leur méthode d’endormir la conscience des vivants en leur faisant payer leur salut à leur lit de mort.


En outre, la nouvelle assertion et la défense de certains dogmes qui n’avaient guère été jusqu’alors que des erreurs flottant dans l’esprit populaire, mais qu’on dut, en présence des attaques que les protestants dirigeaient contre eux, rattacher par une bande de fer et d’airain au corps de la doctrine romaine, lui donna une forme à la fois plus rigide et moins rationnelle. Quantité d’esprits qui, à une autre époque, eussent apporté à l’Église leur contingent d’honneur et de force en prêchant les vérités vitales qu’elle conservait encore, ne furent occupés qu’à défendre ou à glorifier des mensonges travestis ou des frivolités hors d’usage. Tout observateur de bonne foi comprendra que les erreurs excusées par Dieu dans les temps d’ignorance devenaient impardonnables en étant formellement définies et défendues ; que les faussetés rendues excusables par l’entraînement d'une foule enthousiaste criaient vengeance devant l’opiniâtreté d’un concile et que, par-dessus tout, la grande invention du siècle qui rendit la parole de Dieu accessible à tous les hommes, enleva toute excuse à ceux qui se révoltèrent contre elle. Du moment où Rome s’opposa à la diffusion populaire de la Bible, on prononça contre elle la sentence