Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/304

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quaient de logique et que le grec du Nouveau Testament n’observait pas les règles de la grammaire. La simple vérité, le profond pathos, la période rapide sautant d’un point à un autre en laissant à l’auditeur le soin de remplir les intervalles ; l’idiome peu travaillé et hébraïsé offrait peu d’attrait aux amateurs de phrases et de syllogismes ; et la grande science du siècle devint la pierre d’achoppement pour la religion.


Mais ce ne furent pas uniquement les grammairiens et les logiciens qui furent ainsi pervertis, c’eût été une faible perte : des hommes réellement capables d’apprécier la haute excellence des classiques furent malheureusement entraînés par un courant d’enthousiasme qui les enleva à toute autre étude. On continua, pour la forme, à professer la religion chrétienne, mais on n’eut plus le temps de lire la Bible ou les écrits des Pères que le cœur n’était plus disposé à écouter. L’esprit de l’homme n’est capable que d'une certaine dose d’enthousiasme et de respect et celui qui s’adressait à Horace[1] était enlevé à David. La religion est, de tous les sujets, celui qui supporte le moins de n’occuper que la seconde place dans le cœur ou dans la pensée, et lorsqu’on ne l’étudié que languissamment et sans suite, on est certain d’aboutir à l’erreur ou au manque de foi. D’autre part, ce qu’on admirait, ce qu’on contemplait sans cesse en arriva bientôt à être presque une croyance et la mythologie païenne prit, dans la pensée humaine, la place que le Christianisme perdait sans s’en apercevoir. On ne sacrifia pas à Jupiter, on ne construisit pas à Diane des autels d’argent, mais les idées du paganisme prirent corps et furent toujours présentes à l'esprit. Qu’importait à la

  1. Vrai ; néanmoins, on doit en ressentir beaucoup pour Horace.