Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/318

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la famille Barbare. Si, dans celle-ci, on voit des Anges, c’est qu’ils sont chargés, au moyen de leurs trompettes, de porter jusqu’au ciel la renommée de la famille Barbaro dont tous les membres sont représentés dans l’église, au milieu de trophées militaires copiés sur les armes romaines.

Si, après cela, le voyageur veut visiter l’église Saint-Eustache, remarquable par l’effet dramatique du groupe sculpté sur sa façade, puis l’église de l’Ospodaletto, en notant, au passage, les têtes qui décorent les fondations du palais Corner délia Regina, et le palais Pisaro, il aura une idée complète du style et du sentiment de la Renaissance grotesque.

(Nous sommes si bien entrain nous-même — en 1881 — d’abaisser notre niveau, que le connaisseur anglais admirera peut-être tout cela, mais il peut être convaincu que c’est dans l’histoire, un signe constant de décrépitude nationale.)

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Le style de la Renaissance fut porté à la plus haute perfection qu’il pût atteindre par Raphaël, dans les arabesques du Vatican — sorte de non-sens d’une forme étudiée et charmante. — Son niveau le plus bas est représenté par la décoration vulgaire qui, sortant de cette racine empestée, a couvert l’Europe civilisée d’un mélange artistique, composé de nymphes, de cupidons, de satyres, de fragments de têtes et de pattes, d’animaux doucement sauvages et de légumes indescriptibles. On ne peut s’imaginer à quelle profondeur de grossièreté peut conduire le style grotesque : dans un récent jardin italien, on se promène parmi des sculptures de stuc représentant, en caricatures, les types les plus ignobles de nains difformes des deux sexes — sans réalité, sans esprit — et n’ayant pour tout attrait que la grossièreté